"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi sur RTL la cheffe de file des députés du Rassemblement national.

Le vote de cette motion de censure interviendrait dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l’État.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion, alors le gouvernement Barnier, fragile attelage entre la droite et le centre, serait renversé et le projet de budget rejeté.

Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement des taxes sur l'électricité pour dégager trois milliards d'euros, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

- "Pas écoutés" -

Depuis quelques jours, les responsables du RN haussent le ton sur le sujet tout en assurant que cela n'a rien à voir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants du parti au Parlement européen. Si elles étaient suivies, Mme Le Pen pourrait ne pas pouvoir se présenter à la présidentielle.

Face à cette menace, Michel Barnier va recevoir la semaine prochaine, un par un, les présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

"Ils auront à ce moment-là l'occasion d'échanger sur le budget", souligne-t-on à Matignon.

Ce premier tête-à-tête depuis la nomination de Michel Barnier suffira-t-il ?

Les demandes du RN étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'État", a récapitulé Marine Le Pen. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marges de manœuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024. 

- "Opportuniste" -

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré sur CNews le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail). 

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ? 

"Le RN est assez opportuniste sur ses positions de vote" qu'il définit "en fonction des sondages et de ce qu’il entend sur le terrain", relève un ministre.

Agiter cette menace permet au parti à la flamme de "faire monter les enchères pour que ses propositions soient mieux prises en compte", en même temps que "répondre au mécontentement de ses propres électeurs", voire "préparer l'opinion" à un passage à l'acte, analyse-t-il.

A moins que le RN veuille "faire sauter" le très droitier ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau qui "capitalise" sur son "fonds de commerce", considère un député de la coalition gouvernementale. 

En outre, si Marine Le Pen est condamnée par la justice en janvier, "elle pourra dire que c’est parce qu’on lui reproche d’avoir déstabilisé le pays", estime un autre député, qui assure que "100%" des électeurs RN qu'il a rencontrés "veulent la censure".

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l’État.