Cette fois, c'est décidé : le groupe de distribution Carrefour organise son retrait du marché indien. Selon les informations recueillies par « Les Echos », le distributeur français espère signer, incessamment, le transfert des cinq magasins de gros qu'il opère en Inde dans un joint-venture dirigé par un autre groupe. D'ores et déjà, l'essentiel de l'état-major français de Carrefour en Inde se prépare à quitter le pays. Dans la perspective de la rentrée des classes de septembre, les familles ont été prévenues qu'il leur fallait prévoir un déménagement dans un délai proche. Les dates exactes de leur départ ne leur ont, toutefois, pas encore été annoncées, pas plus que les nouvelles affectations. Un ou deux responsables resteraient un peu plus longtemps pour assurer la transition vers le joint-venture. Les activités d'approvisionnement du groupe en Inde ne seront bien entendu pas affectées.
Sortie des comptes
Contactée, la direction de Carrefour à Delhi s'est refusée à tout commentaire. Idem à Paris au siège du groupe où l'on confirme, toutefois, que la filiale a bien été déconsolidée dans les comptes, ce qui préfigure une sortie du marché. « Nous sommes dans une réflexion en Inde, où nous avons une petite activité. Je ne peux pas, à ce stade, vous en dire plus. Nous réfléchissons et nous travaillons. On aura une réponse à votre question dans les mois qui viennent », avait, en outre, déclaré le PDG, Georges Plassat, lors de la présentations des résultats annuels le 5 mars. Selon toute vraisemblance, le retrait devrait être acté à la fin de l'été.La volonté de quitter l'Inde s'appuie sur la conviction que le groupe n'a, devant lui, aucune perspective claire de mise en place, dans un délai raisonnable, d'un réseau d'hyper et de supermarchés. Le deuxième distributeur mondial a développé, depuis 2010, un petit réseau de cinq « cash and carry » - des magasins de gros ne vendant qu'aux collectivités et au petit commerce -, seul domaine où les investissements directs étrangers (IDE) étaient autorisés dans la distribution.Réticences
En septembre 2012, le gouvernement du parti du Congrès avait donné à Carrefour et à ses homologues comme Walmart et Tesco, qui convoitent tous un marché de 1,2 milliard d'habitants et sa classe moyenne, de nouveaux espoirs en autorisant la détention de coentreprises à hauteur de 51 %. Mais devant la levée de boucliers des petits commerçants, le gouvernement avait assorti cette possibilité de sévères restrictions : investissements minimums, obligation d'approvisionnement auprès des PME indiennes, etc. Surtout, il a donné, à chaque Etat de la fédération, le droit d'appliquer la disposition. Un blocage quasi total du processus en a résulté. Résultat : seul le britannique Tesco a annoncé un projet d'investissement, en association avec Tata, son partenaire de longue date.Le sentiment qu'il n'y a rien à attendre en matière d'ouverture du marché indien s'est encore accentué avec les récentes élections générales et la victoire du BJP, parti d'opposition nationaliste hindou, qui a, en effet, inscrit dans son programme son opposition catégorique aux investisseurs étrangers dans la grande distribution.Paradoxalement, bon nombre d'observateurs sont persuadés que la position du BJP pourrait bien évoluer. La réticence à ouvrir le marché de la distribution émane de l'aile la plus traditionnaliste du parti et de son abondante base de supporters chez les petits commerçants. Mais le Premier ministre Modi, lui-même, est beaucoup plus tourné vers les investissements étrangers et l'ampleur de sa victoire lui permettra de changer de ligne quand il en aura envie. Il est, malgré tout, impossible de prévoir, aujourd'hui, quand. Carrefour, qui s'est déjà retiré de plusieurs pays asiatiques comme l'Indonésie ou la Malaise, semble avoir décidé qu'il n'attendrait pas plus longtemps. Quitte, bien entendu, à revenir plus tard, si les conditions deviennent favorables.