Affirmant repartir d'une "feuille blanche" et refuser un budget "d'austérité et de régression sociale", M. Lecornu a souligné dans une interview au Parisien vendredi soir que c'est le Parlement qui "définira le budget de la Nation": "des compromis seront à trouver dans l'hémicycle", insiste-t-il.

Sans aller jusqu'à s'engager à ne pas utiliser l'arme constitutionnelle du 49.3, qui permet de faire adopter le budget sans vote, le locataire de Matignon souhaite "ne pas être contraint" d'y recourir.

La ministre démissionnaire Agnès Pannier-Runacher (Renaissance) a salué sur France 2 samedi une "main très fortement tendue vers les parlementaires", "une main tendue qui va beaucoup vers les socialistes", avec lesquels le président de la République a demandé aux chefs de la coalition gouvernementale de travailler.

- "Main vide" -

Mais sur le fond, le Premier ministre reste fidèle aux fondamentaux du "socle commun" réunissant LR et les macronistes, fermant la porte aux revendications phares des socialistes, qu'il s'agisse de la taxe Zucman sur les hauts patrimoines ou de la suspension de la réforme des retraites.

Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a appelé dès vendredi soir la gauche à voter la motion de censure que LFI entend déposer à la reprise de la session parlementaire.

"Sans changement majeur d'orientation, nous censurerons ce gouvernement", a de son côté prévenu dans un communiqué le PS, qui ira malgré tout rencontrer "une dernière fois le Premier ministre la semaine prochaine".

Réunis à Bram (Aude) à l'invitation de Carole Delga, les responsables de gauche hors LFI ont de nouveau fait part samedi de leur déception face au cadre posé par M. Lecornu.

Pour le président du groupe PS à l'Assemblée, Boris Vallaud, l'interview de M. Lecornu a été une "douche froide". Le gouvernement "tend une main" au PS, mais elle est "vide", a-t-il dit.

"On va lui dire que nous sommes prêts à l'effort, prêts à faire des économies, prêts à faire des compromis, prêts a renverser la table, mais pas à passer sous la table. S'il ne l'entend pas nous le censurerons sans hésitation", a déclaré le premier secrétaire, Olivier Faure, qui veut voir la "copie complète" du gouvernement.

La secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, s'est montrée plus tranchante encore: "Pour l’instant la seule rupture que je vois chez M. Lecornu c’est avec les Français (...) Aujourd’hui, les parlementaires écologistes n’ont aucune raison de ne pas censurer Sébastien Lecornu".

- "Intentions" -

Interrogé sur BFMTV samedi matin, le sénateur PCF Ian Brossat a jugé l'attitude du Premier ministre "très hypocrite": "sa page blanche (...) est pleine de lignes rouges et donc elle n'est pas vraiment blanche", a-t-il souligné.

"Si le Premier ministre persiste", on va "inévitablement vers une censure et sans doute vers une dissolution", a prévenu M. Brossat.

Le Rassemblement national ne se montre pas beaucoup plus clément, même si M. Lecornu dit vouloir "examiner (...) dans le détail" l'Aide médicale d'Etat, destinée aux étrangers et que le RN veut voir réduite à une aide d'urgence.

"Il y a un certain nombre d'intentions qui sont exprimées, mais si ces intentions débouchent sur des mesures qui sont anecdotiques ou dérisoires, qui ne sont pas à la mesure de ce qui est nécessaire pour rétablir la stabilité budgétaire du pays, alors ça n'ira pas", a déclaré samedi à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) sa cheffe de file Marine Le Pen, qui attendra pour se prononcer le discours de politique générale de M. Lecornu.

Si le Premier Ministre "applique les mesures qu'on lui propose, on ne le censurera pas" mais "on ne croit pas une seconde qu'il le fera", abonde Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN à l'Assemblée dans une interview à La Tribune Dimanche. 

Une suppression de l'AME "serait une victoire symbolique pour le RN", mais cela ne suffirait pas, prévient l'élu d'extrême droite: "On ne va pas accepter 200 millions d'euros d'économies sur l'immigration, contre 20 milliards d'euros d'efforts imposés aux honnêtes gens". 

Les chefs de parti et de groupe du socle commun seront de nouveau reçus lundi à Matignon, à l'avant-veille de l'ouverture de la session ordinaire du Parlement.