Les syndicats sont vent debout contre la réforme de l'assurance-chômage mais savent qu'une mobilisation dans la rue ne ferait pas recette. La bataille sera donc politique, avec le débat public auquel va obliger la proposition de loi du groupe LIOT à l'Assemblée. Mais elle sera aussi juridique. Les syndicats espèrent obtenir du Conseil d'Etat la censure du décret qui va fixer les nouvelles règles d'indemnisation, avec notamment l'augmentation des exigences de durée de travail pour ouvrir des droits et le durcissement des conditions d'entrée dans la filière senior.
La leader de la CFDT, Marylise Léon, a promis sur France Culture samedi dernier d'« activ[er] tout ce qui est possible pour que cette réforme n'entre pas en oeuvre ».Les syndicats restent l'arme au pied dans l'attente du projet de décret, que le gouvernement a l'obligation de leur transmettre. Il vient d'être envoyé au Conseil d'Etat. Ce n'est qu'après la publication du texte au « Journal officiel » qu'ils pourront attaquer, et ils n'ont pas intérêt à abattre leurs cartes avant, au risque de donner au gouvernement l'opportunité de les contrer en amont.Trouver la faille
En matière juridique, il y a deux précédents récents sur les réformes de l'assurance-chômage. Le premier, contre celle lancée par le gouvernement en 2019, avait tourné à l'avantage des syndicats. En novembre 2020, la CGT avait obtenu de la juridiction administrative l'annulation de deux des mesures phares d'économie sur l'indemnisation : la règle de calcul du montant de l'indemnisation et le bonus-malus. Le second avait démarré, lui aussi, par une victoire syndicale en référé, mais avait en définitive tourné à l'avantage du gouvernement.
La difficulté pour les syndicats sera que le projet de texte réglementaire aura été soumis à l'examen du Conseil d'Etat et que ce dernier l'aura passé au peigne fin afin de limiter les risques de contentieux. Pour autant, ce texte réglementaire va être scruté à la loupe par les syndicats et leurs avocats pour trouver la faille.Se pose notamment la question de la durée de la période transitoire : il a été dit que les mesures annoncées par Gabriel Attal s'appliqueraient au 1er décembre, soit cinq mois après la publication du décret dit « de jointure » pris pour attendre la fin des négociations entre les partenaires sociaux : le volet seniors restait à régler pour répondre aux exigences de la lettre de cadrage du gouvernement, après leur accord sur l'assurance-chômage de novembre et les discussions sur le sujet se sont soldées par un échec au printemps.
Articulation avec la contracyclicité
Les syndicats pourraient aussi interroger l'articulation entre la réforme entrée en vigueur il y a quelques mois, qui instaure une contracyclicité, et la nouvelle. Est-ce en lien ? En tout cas, on peut noter que le gouvernement ne va pas toucher à la durée maximale d'indemnisation, qui est la variable d'ajustement liée à la conjoncture.Les confédérations vont sans doute aussi se pencher sur les contraintes imposées dans le document de cadrage, qui leur a été transmis en amont de leur négociation sur l'assurance-chômage, et sur les objectifs financiers assignés, point que le Conseil d'Etat a déjà passé au crible dans de précédents contentieux. Ils pourraient aussi contester le fait que cela va faire cinq ans que de manière continue, l'Etat fixe les paramètres de l'indemnisation des chômeurs, alors que la loi a confié cette mission aux partenaires sociaux, la puissance publique ne devant intervenir qu'en l'absence d'accord entre patronat et syndicats.
En tout état de cause, il faudra attendre plusieurs mois avant d'être fixés. Pour l'heure, les regards des syndicats sont tournés vers l'Assemblée. Le débat dans l'Hémicycle sur la proposition de loi LIOT aura lieu le 13 juin.