Les syndicats ne sont pas les seuls à être divisés sur le pacte de responsabilité proposé par François Hollande aux entreprises. Les organisations patronales, qui sont reçues cette semaine par Jean-Marc Ayrault, n'ont ni les mêmes attentes ni le même discours sur le sujet. C'est sur l'avenir du crédit d'impôt compétitivité et pour l'emploi (Cice) que les différences sont le plus marquées. La bascule complète du Cice en baisse de charges, la coexistence des deux systèmes ou encore l'élargissement du Cice, trois options évoquées par l'exécutif, n'auront pas les mêmes conséquences pour les uns et pour les autres.Pour les plus grandes entreprises, la préférence va pour l'instant à un transfert complet des 20 milliards du Cice en baisse de charges, auxquels s'ajouteraient 10 milliards supplémentaires pour atteindre les 30 milliards de cotisations patronales versées au titre de la famille. « Cette option a le mérite d'être simple. Elle peut entraîner des effets différenciés selon les secteurs, mais cela devrait rester surmontable », estime un expert proche des patrons de grands groupes. Un inconvénient tout de même : cette solution pourrait renchérir de près d'un tiers les montants versés par les employeurs à leurs salariés au titre de la participation, selon ce même expert. Cette option a aussi les faveurs de l'UPA, qui défend les artisans et commerçants, mais pour des raisons toutes différentes : le Cice ne bénéficie pas aujourd'hui aux entrepreneurs sans salariés, alors que ces derniers paient des cotisations familiales.Les effets sectoriels sont jugés nettement moins négligeables par les entreprises concernées. C'est-à-dire celles qui ont majoritairement des bas salaires et qui cumulent les avantages des allégements Fillon (jusqu'à 1,6 SMIC) et ceux liés au Cice (jusqu'à 2,5 SMIC). Les secteurs de la distribution, de la propreté et du nettoyage ou encore de l'intérim seraient pénalisés par un tel scénario. Le risque pour eux serait que les allégements Fillon soient en partie neutralisés par un allégement global sur l'ensemble des salaires.

Question très sensible

Pour éviter de gérer une crise interne entre les différentes fédérations - comme cela avait été le cas avec le projet de taxe sur l'excédent brut d'exploitation, finalement abandonné -, le Medef pousse une solution intermédiaire. Un élargissement du Cice à 3,5 SMIC, puis une bascule dans un second temps en baisse de charges. Une façon de faire porter le bénéfice des 10 milliards d'euros d'aide supplémentaires aux entreprises sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 SMIC. Outre l'avantage de préserver la paix sociale au Medef, la mesure présente aussi l'intérêt de couvrir un spectre de salaires très large et donc d'englober davantage que ne le fait le Cice actuel les secteurs à plus valeur forte ajoutée présents dans l'industrie, notamment l'aéronautique. Le curseur à 3,5 SMIC faisait d'ailleurs partie des recommandations formulées par Louis Gallois dans son rapport sur la compétitivité fin 2012.Le dernier scénario, qui consisterait à remettre à plat tous les allégements de charges, fait peur à plus d'un patron. Au sein des grandes entreprises, on craint que le gouvernement y voit l'occasion d'instaurer une « barémisation » des cotisations sociales avec des taux progressifs selon le niveau de salaires. « La progressivité, c'est le contraire de ce qu'il faut faire », soutient un représentant du grand patronat. Les secteurs à faible niveau de salaires, eux, ne seraient pas contre.Preuve que la question du Cice est très sensible, la CGPME, qui sera reçue jeudi seulement par Jean-Marc Ayrault, n'a pas encore de religion sur le sujet.