Le Conseil national de l'industrie (CNI) repart en guerre contre les allégements de charges sociales. Ou plus précisément, contre leur concentration sur les bas salaires. Hier soir, les membres de ce think tank composé d'experts de l'industrie et de représentants des partenaires sociaux ont rencontré Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg, pour leur rendre leur rapport annuel, à quelques jours des arbitrages sur la nature des 10 milliards d'euros de baisses de charges promis aux entreprises en plus du Cice dans le cadre du pacte de responsabilité. Et ce document critique la voie suivie par le gouvernement. Pour le CNI, il faudrait « porter le plafond du crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) à 3,5 SMIC, à défaut d'une refonte du financement de la protection sociale permettant une baisse des cotisations sociales ». Le CNI ne fait là que reprendre une proposition du rapport Gallois, de l'automne 2012. L'exécutif avait préféré alors opter pour un crédit d'impôt bénéficiant aux entreprises employant des travailleurs payés moins de 2,5 fois le SMIC. Considérant que l'effet sur l'emploi serait plus important.Pour le CNI, c'est un mauvais calcul. Un tel dispositif est « préjudiciable au renforcement de la compétitivité de la France et de son industrie » car il « bénéficie quasi exclusivement aux emplois peu qualifiés » et donc, peu productifs, explique-t-il dans son rapport annuel. Le risque est « d'ancrer l'appareil productif dans le bas de gamme en favorisant les faibles rémunérations », alors qu'il faudrait suivre « une politique favorisant la recherche et l'innovation, indissociables d'emplois qualifiés ». Si les allégements de charges « vont dans le bon sens », ils « risquent de générer des effets pervers durables et préjudiciables à la modernisation de notre industrie, eu égard à la faiblesse de leur plafond ». Le CNI estime qu'il « n'est plus possible de favoriser l'enrichissement de la croissance en emplois au détriment de la croissance de la productivité ».
L'écart se creuse avec l'Allemagne
Pourtant, l'industrie française profite en partie des différents dispositifs mis en place. Ainsi, de l'aveu même du CNI, les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires, dits « allégements Fillon » (jusqu'à 1,6 fois le Smic), bénéficient à hauteur de 3,3 milliards d'euros à l'industrie, soit 16 % de leur montant total. Plus de 60 % du crédit d'impôt recherche (CIR) devraient aller à l'industrie en 2013, c'est-à-dire 2 milliards d'euros. Et le Cice devrait représenter 4,1 milliards d'euros pour l'industrie cette année, soit 18 % du montant total.Mais la position des industriels, qui se cale peu ou prou sur le discours du Medef au sujet du pacte de responsabilité, se comprend aisément. Si le CNI constate une « légère amélioration » de la situation fin 2013, il rappelle quelques chiffres frappants. D'abord, « le coût horaire dans l'industrie manufacturière a augmenté à un rythme près de deux fois supérieur en France par rapport à l'Allemagne sur la dernière décennie ». Ensuite, « la France occupait en 2011 la 15e place sur 17 de la zone euro en termes de part de l'industrie (hors construction) dans la valeur ajoutée totale ». Enfin, le nombre d'entreprises industrielles est passé de 26.800 en 2000 à 22.000 en 2009, soit un rythme de diminution deux fois plus rapide qu'en Allemagne. Le redressement productif reste encore lointain.