A Jacobabad, dans la province méridionale du Sindh, les températures dépassent régulièrement les 50 degrés Celsius en été et le changement climatique a fait se multiplier les épisodes de canicule. Cette semaine, en plein hiver, le thermomètre doit dépasser 30 degrés.

Longtemps, le million d'habitants du district a dû se contenter des petites citernes tirées par des ânes qui parcouraient les rues pour vendre à prix d'or de l'eau souvent contaminée, parfois à l'arsenic.

Mais en 2012, l'Agence américaine pour le développement (USAID) a accepté de débloquer 66 millions de dollars notamment pour remettre en usage une station de pompage et de filtration d'eau sur un canal, à 22 kilomètres de Jacobabad.

- "Marcher des heures" -

Le 20 janvier, dans un coup de théâtre, le président américain Donald Trump a décidé de geler l'aide de son pays à l'étranger - pour le moment pour trois mois.

A Jacobabad, cela signifie que le million de dollars et demi qui était attendu sous peu n'arrivera pas.

Et que le robinet d'eau pourrait se tarir, se désole l'ONG pakistanaise HANDS qui gérait la station et collectait les redevances censées un jour rendre la station autonome financièrement.

Son patron, Cheikh Tanvir Ahmed, assure avoir appris la décision présidentielle américaine par voie de presse et n'avoir reçu aucun avertissement formel.

"Si l'approvisionnement en eau est coupé, ça va être très difficile pour nous", s'inquiète déjà Toufail Ahmed, un habitant de 25 ans.

Cette station "a changé nos vies" et, sans elle, "survivre sera un défi, car l'eau est l'élément le plus essentiel à la vie", poursuit M. Ahmed.

Actuellement, 350.000 habitants utilisent 5,6 millions de litres de cette eau potable - donc utilisable comme boisson ou pour des usages domestiques - chaque jour pour environ 1,5 euro par mois, soit dix fois moins que l'eau des citernes ambulantes.

Noor Ahmed, étudiant de 18 ans, n'utilise cette eau avec sa famille que pour la lessive.

Avant, dit-il à l'AFP, "les femmes devaient marcher des heures" pour ramener de l'eau ou en acheter.

Et cette "eau contaminée nous rendait malade, on avait des frais de santé énormes", abonde Sadruddin Lashari, 55 ans.

"Avec tout en suspens, nous devons retirer nos employés et cesser toutes nos prestations dans ce projet de station d'eau", explique à l'AFP Cheikh Tanvir Ahmed, dont l'ONG HANDS a déjà dû mettre 47 employés au chômage technique.

- "Revenir sur sa décision" -

La suite logique, poursuit-il, si aucune aide ne parvient jusqu'à Jacobabad, c'est l'arrêt définitif du pompage "dans les quelques mois à venir".

Le projet repose actuellement entre les mains du gouvernement local, qui ne dispose pas de l'expertise ou de l'argent nécessaires pour rendre le projet viable à long terme.

Pour lui, cesser les paiements à ce stade, c'est comme viser le sommet d'une montagne et s'arrêter quelques mètres avant.

"S'ils ne sont plus intéressés, alors l'échec sera total", prévient M. Ahmed. "Le président" américain "doit revoir sa décision", plaide-t-il, car "l'eau est plus qu'un médicament vital, l'eau c'est la vie".

Déjà, de septembre à mi-janvier, la pluviométrie dans le Sindh a baissé de 52% par rapport à la moyenne selon les autorités locales qui annoncent une "sécheresse modérée" pour les prochains mois.

Le Pakistan, qui compte pour moins de 1% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, est le pays le plus affecté par le changement climatique selon un classement de l'ONG Germanwatch publié cette année et basé sur des données compilées depuis 2022.

Cette année-là, un tiers du pays de 240 millions d'habitants avait été noyé sous des pluies de mousson inédites qui avaient tué plus de 1.700 personnes et causé des dommages estimés à près de 15 milliards de dollars.