Avant, la vaste bâtisse en béton couverte de graffitis et située à la périphérie de la capitale libanaise était louée pour organiser des fêtes. Désormais elle accueille ces femmes, essentiellement des travailleuses étrangères prises au piège de la guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah libanais.

Pour échapper au pilonnage de la banlieue sud, Mme Koroma a chargé son bébé sur son dos et fui sa maison. Elle a dormi "dans la rue" avant de tomber sur The Shelter, entrepôt-refuge géré par des bénévoles.

Au milieu des baluchons emportés à la hâte, l'espace est envahi par des rangées de matelas posés à même le sol. Il y a des chaises en plastique, des tables de jardin, des canapés, un berceau et une table à langer cédés par des donateurs.

Bonnet rouge sur la tête, Jaiatu Koroma exprime sa gratitude pour "la nourriture, l'eau", les couches et le gîte. Mais "je veux rentrer dans mon pays", confie à l'AFP cette maman de 21 ans.

A côté, certaines de ses compatriotes transportent le linge pour l'étendre à sécher, d'autres se reposent sur leurs matelas en discutant, priant, ou en se coiffant mutuellement les cheveux.

- "Pas de passeports" -

"Quand on a commencé il y a 21 jours, on accueillait 60 femmes. Aujourd'hui elles sont 175", dit à l'AFP Déa Hage Chahine, une volontaire.

Les bénévoles gèrent les tracas du quotidien, des livraisons d'eau pour les douches au raccordement à un générateur électrique.

"On travaille sans relâche", ajoute Mme Hage Chahine, précisant que certaines femmes ont besoin d'une assistance médicale ou psychologique. "Le nombre de femmes qui arrivent augmente chaque jour."

Après un an d'échanges de tirs transfrontaliers entre Israël et le Hezbollah qui a ouvert un front en soutien au Hamas palestinien, l'armée israélienne a intensifié ses frappes fin septembre sur les fiefs du Hezbollah, dont la banlieue sud de Beyrouth. 

Depuis fin septembre, plus de 1.550 personnes ont été tuées au Liban et des centaines de milliers déplacées selon les autorités libanaises.

Pour aider au rapatriement de nombreuses femmes qui parfois "n'ont plus de passeports", les bénévoles du refuge ont lancé une collecte de dons en ligne.

Mme Hage Chahine condamne la "kafala", système de parrainage controversé, prêtant le flanc à un large éventail d'abus, mais utilisé pour faire venir au Liban les travailleurs étrangers qui émigrent pour envoyer de l'argent à leurs familles restées au pays.

Elle fustige aussi un certain "racisme", qui fait que ces travailleurs étrangers sont souvent traités comme des "humains de seconde classe".

- "Laissez-moi rentrer" -

Selon Mathieu Luciano, le chef au Liban de l'Organisation internationale pour les migrations, "environ 17.500 migrants (...) ont été déplacés" par le conflit, sur les 180.000 migrants recensés dans le pays.

Ses équipes ont reçu "15.000 requêtes de la part de migrants et de leurs ambassades pour des retours assistés", dont environ 1.300 pour des ressortissants de la Sierra Leone.

Un "nombre important de nos concitoyens sont bloqués" au Liban, confirme à l'AFP Jaward Gbondema Borniea, du consulat de la Sierra Leone, qui œuvre à délivrer des documents de voyage d'urgence pour faciliter les rapatriements.

Susan Baimda, 37 ans, est à l'entrepôt depuis deux semaines. "La situation est très difficile" au Liban, dit-elle mais depuis son arrivée au refuge "tout va très bien".

"Tout le monde prend soin de nous", dit-elle, préparant avec d'autres la salade de pâtes du dîner.

Susan Baimda ne rêve plus que de retrouver ses quatre enfants. Depuis qu'elle a quitté la Sierra Leone il y a trois ans, elle ne les a vus que sur l'écran de son smartphone.

"Laissez-moi rentrer auprès d'eux. Laissez-nous aller dans notre pays. On veut sauver notre vie."