Les spectateurs alignés le long des crêtes encouragent les cavaliers, dont les cagoules laissent apparaitre parfois des traits juvéniles. Avec leur monture, ils dévalent une des pistes les plus hautes d'Afrique, nichée à plus de 2.200 mètres d'altitude.
Au Lesotho, pays montagneux enclavé dans l'Afrique du Sud, les courses de chevaux sont plus qu'un sport, c'est un phénomène culturel indissociable de la fièvre des paris.
L'édition de ce week-end dans le village de Semonkong, au centre du pays, avait une importance particulière: il s'agissait de la première course de la saison et elle coïncidait avec l'anniversaire du roi Letsie III.
Enveloppés eux aussi dans des couvertures et des cagoules, les chevaux sont conduits jusqu'à la ligne de départ dans une procession de chants et de danse avant d'être brossés et équipés de selles délavées par les éléments.
- Oublier ses problèmes -
Pour beaucoup de cavaliers, la course est un rare moment d'évasion. Le pays, qui compte environ 2,3 millions d'habitants, est l'un des plus pauvres du monde.
Ses richesses minières sont éclipsées par un taux de chômage élevé chez les jeunes et un taux de suicide inquiétant.
Son économie, dépendant du textile, est particulièrement vulnérable aux taxes douanières annoncées par le président américain Donald Trump, qui s'est moqué du Lesotho au début de l'année en le qualifiant d'endroit "dont personne n'a jamais entendu parler".
La règle est d'oublier tous ses problèmes, sinon on tombe, explique à l'AFP le jockey Tsaenh Masosa. "Il faut être concentré", explique cet employé d'hôtel de 21 ans, à la veste bleu roi.
Les courses, longues de 800 à 1.200 mètres, empruntent un terrain accidenté qui met à l'épreuve à la fois le cavalier et le cheval.
Les gagnants empochent jusqu'à 1.500 loti (73 euros) par course, ce qui est considérable au Lesotho, où plus de 36 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, selon la Banque mondiale.
Sur le bord de la piste, les parieurs misent le plus souvent sur un cheval se classant mieux qu'un autre plutôt que sur le grand gagnant de la course.
Il n'y a pas de tickets ni de bulletins de paris, mais des regards tendus et des billets changeant de mains une fois passée la ligne d'arrivée.
Les chevaux sont arrivés au Lesotho avec les colons européens au XIXe siècle et, au fil des générations, les croisements ont donné naissance au basotho, de taille moyenne, robuste et réputé pour son endurance.
Au-delà de la piste, ces poneys font partie de la vie quotidienne.
Dans les montagnes, ils sont encore utilisés pour garder les moutons et les chèvres ainsi que pour atteindre des villages reculés où aucune route ne passe. Ce lien profond est omniprésent dans la culture.
"Tous les habitants de Semonkong préfèrent les courses de chevaux au football", explique Andreas Motlatsi Mojaje, 39 ans, agent d'entretien.
Sur l'ovale poussiéreux, Tsaenh Masosa attend encore sa première victoire. Après sept tentatives, il a dû se contenter d'une deuxième place, mais cela n'a pas entamé sa soif de victoire.