Le dialogue social a été mis à rude épreuve mais il a tenu. Après deux jours d'une interminable séance de négociations, les partenaires sociaux ont finalement trouvé dans la nuit de vendredi à samedi un accord pour redéfinir les règles de l'assurance-chômage. Sauf surprise, le texte sera signé par la CFDT et la CFTC, probablement aussi par FO, mais ni par la CGC, qui trouve l'addition trop lourde pour les cadres, ni par la CGT.Le gouvernement, qui a suivi de près les tractations, peut être soulagé. Il n'aura ni à récupérer ce dossier explosif ni à donner son aval (il doit agréer la future convention issue de l'accord) à une réforme qui pénaliserait trop de chômeurs, en pleines élections municipales. Comme les y avait appelés l'exécutif, les syndicats et le patronat ont maintenu les grandes règles actuelles d'affiliation et de durée d'indemnisation : le régime continuera de couvrir un maximum de chômeurs, et longtemps, une priorité absolue des syndicats face à un chômage record. Comme prévu dans l'accord sur la sécurisation de l'emploi de janvier 2013, le système est même enrichi par la création de droits dits « rechargeables », permettant de mieux accumuler des droits à indemnisation en cas de reprise temporaire d'emploi (lire ci-contre). Plus de 250.000 personnes faisant des allers-retours entre emplois courts et Pôle emploi devraient voir leur durée d'indemnisation s'allonger. La CFDT faisait de leur mise en oeuvre sa priorité. Le coût du dispositif retenu, basé sur les propositions de FO, est estimé à 400 millions par an.
Durcissement des droits
C'est la principale innovation du texte et… la seule dépense supplémentaire. Jusqu'au bout, le Medef est resté ferme sur ses deux priorités : aucun coût en plus pour les employeurs, au nom de la compétitivité, et des économies sur les dépenses, pour enrayer un déficit record et « préserver la pérennité du régime ». Faute de pouvoir toucher aux grands paramètres, le patronat a durci toute une batterie de droits, faisant des seniors et des cadres les grands perdants de la réforme. Au total, 800 millions de dépenses en moins par an sont attendues. Malgré la création des droits rechargeables, l'ensemble du texte affiche donc une économie globale de 400 millions d'euros par an. En début de séance, le Medef agitait en chiffon rouge l'objectif de 1 milliard d'économies. « On revient de loin », a commenté Stéphane Lardy (FO) à la sortie, tandis qu'Yves Razzoli (CFTC) a jugé le tout « raisonnable et raisonné ». « Tous les efforts sont demandés aux chômeurs, rien aux patrons ! » a fustigé Eric Aubin (CGT), qui demande à l'Etat de ne pas agréer le texte.Le patronat a aussi gagné son pari de remettre un coup de pied dans la fourmilière des intermittents du spectacle. Il a arraché un premier durcissement de leur régime et, surtout, a poussé l'Etat à sortir la tête du sable : samedi, Michel Sapin, ministre du Travail, a annoncé une concertation prochaine sur l'avenir du régime.