Syndicats et patronat avaient à coeur de s'accorder pour éviter que le gouvernement ne reprenne la main, comme l'avait fait au printemps le gouvernement Attal après l'échec des négociations sur les seniors, publiant un décret - depuis abandonné - dont les syndicats avaient unanimement dénoncé la "violence".
Le Premier ministre Michel Barnier, qui avait remis la balle dans le camp des partenaires sociaux dès sa déclaration de politique générale début octobre, a rappelé vendredi sur France Bleu, avoir "fait le pari du dialogue social", en citant ces accords obtenus dans la nuit "grâce au travail intelligent, respectueux, des syndicats et du patronat".
La ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet a vanté une "nouvelle méthode" et salué "la réussite de la négociation des partenaires sociaux".
Ces derniers ont négocié à la fois les nouvelles règles d'indemnisation des chômeurs, qui doivent s'appliquer à compter du 1er janvier, des mesures pour favoriser l'emploi des seniors, ainsi qu'un accord surprise sur le dialogue social.
La délégation CFDT a fait part dans la nuit d'"un avis favorable sur les trois textes", comme la CFTC.
La CGT, deuxième centrale syndicale, s'est montrée nettement plus réticente, la négociatrice Sandrine Mourey déplorant que sur l'assurance chômage, "ça tape dur", et pointant à propos de l'emploi des seniors "des petits mais pas de gros gains" pour les salariés.
La CFE-CGC a précisé qu'elle ne signerait pas l'accord sur l'assurance chômage mais les deux autres, tandis que FO réserve son appréciation.
Les syndicats doivent encore formellement consulter leurs instances avant validation de ces accords.
- "Tombé du ciel" -
Le texte assurance chômage, prévu pour quatre ans, est un avenant à l'accord de novembre 2023 - signé par la CFDT, FO et la CFTC, mais non validé par le gouvernement. Il prévoit notamment, pour dégager des économies, de diminuer l'indemnisation des chômeurs frontaliers ayant travaillé en Suisse, Belgique, Allemagne ou au Luxembourg.
Leurs droits sont aujourd'hui calculés sur la base de leurs salaires dans ces pays, nettement plus élevés qu'en France.
Un relèvement de deux ans des bornes d'âge ouvrant droit à une indemnisation plus longue, pour prendre en compte la réforme des retraites que les syndicats contestent, est également prévu.
Le palier ouvrant droit à 22,5 mois d'indemnisation au maximum passe ainsi de 53 à 55 ans et celui donnant droit à 27 mois de 55 à 57 ans. La mesure devrait rapporter 350 millions sur quatre ans.
Pour se rapprocher des 400 millions d'euros d'économies supplémentaires demandées dès 2025 aux partenaires sociaux par le gouvernement, le patronat a accepté que la réduction de 4,05% à 4% de la cotisation employeur à l'assurance chômage n'intervienne qu'au 1er mai 2025.
Globalement, les nouvelles règles permettraient de dégager quelque 2,3 milliards d'économie sur quatre ans pour le régime de l'assurance chômage, selon un calcul de l'Unédic.
Le ministère du Travail a noté que les partenaires sociaux ont "convenu de mesures qui permettront de dégager des économies supplémentaires, conformément au souhait du gouvernement", semblant leur donner quitus.
Sur le volet emploi des seniors, le patronat a lâché du lest en renonçant dans l'immédiat à une exonération progressive de cotisations d'assurance chômage pour l'employeur qui recruterait un salarié en "contrat de valorisation de l'expérience", une mesure portée par la CPME.
Ce nouveau contrat spécifique aux seniors, pour faciliter l'embauche des chômeurs âgés, subsiste néanmoins. Le salarié pourra être mis d'office à la retraite dès qu'il aura droit à une retraite à taux plein.
Le texte entend aussi favoriser les retraites progressives, peu répandues.
Accessible à partir de 60 ans et permettant au salarié de travailler à temps partiel tout en continuant à cotiser à taux plein pour sa retraite, le dispositif ne devient pas pour autant un droit auquel l'employeur ne pourrait plus s'opposer, comme l'auraient voulu les syndicats.
Le troisième accord, "tombé un peu du ciel", dixit un négociateur, vise à ouvrir des discussions sur les parcours syndicaux et demander au gouvernement de légiférer pour permettre d'exercer plus de trois mandats pour les représentants du personnel.