"Je suis choquée, j'ai du mal à comprendre pourquoi il a été tué. Cette haine, pourquoi? C'était un jeune homme poli, travailleur, éduqué, solaire", explique, les larmes aux yeux, Sylvia Elvasorre, une retraitée de 65 ans voisine du salon de coiffure d'Hichem.
"Hichem aidait les gens, il coiffait même ceux qui ne pouvaient pas payer. Il coupait régulièrement les cheveux de mon fils", confirme auprès de l’AFP Marwouen Gharssalli, 43 ans, soudeur, habitant du village et ami du défunt.
Christophe B., quinquagénaire de nationalité française, a abattu Hichem samedi dans la soirée à Puget-sur-Argens, avant de blesser un autre de ses voisins, de nationalité turque. Avant et après son acte, il aurait diffusé des vidéos racistes sur ses réseaux sociaux.
Devant le salon de coiffure "Facekoop", où travaillait la victime, au cœur de la commune, une quinzaine de bouquets de fleurs sont accompagnés de mots. "Désolé mon frère, je garderai ta brosse pour toujours". "Nous sommes très tristes, très peinés, très choqués, tu vas laisser un vide dans notre rue", écrivent les commerçants de la rue du Général de Gaulle, sur une autre carte.
"Les gens sont stupéfaits qu'on puisse arriver à un crime raciste comme ça, ce n'est pas dans les mœurs de Puget ce genre d'événement. C'est une mauvaise surprise et un choc pour la ville", affirme à l'AFPTV Paul Boudoube, le maire de la ville, élu en 2020 au deuxième tour (36,71%) dans le cadre d'une quadrangulaire, devant la liste RN (30,89%).
"C'était un commerçant bien connu, pas mal de personnes de la mairie se faisaient couper les cheveux chez lui, tout le monde le connaissait, c'était quelqu'un d'aimable", ajoute l'élu.
- "Meurtre et tentative de meurtre" -
En marge du centre-ville, dans la petite zone industrielle où Hichem habitait, dans un local portant l'enseigne d'une ancienne onglerie, des traces de sang sont encore visibles devant la porte. Un scellé posé par les enquêteurs rappelle le drame, avec la mention "meurtre, tentative de meurtre".
"Nous parlions des préparatifs de l'Aïd (El Kebir, grande fête musulmane prévue ce vendredi en Tunisie, NDLR)", a commenté auprès de l'AFP Hanen Miraoui, la sœur de la victime, racontant la communication vidéo entre la famille, au moment des coups de feu: "Il rigolait et taquinait ma mère qui était malade, puis tout d'un coup je l'ai entendu dire +Aïe+, puis la communication s'est interrompue".
Selon une source proche du dossier, le suspect avait comme volonté de "troubler l'ordre public par la terreur". Une dimension confirmée par le transfert de ce dossier au Parquet national antiterroriste (Pnat), dont la saisine est une première concernant un homicide raciste lié à l'ultra-droite.
"La saisie du Pnat c'est une bonne chose, ça veut dire qu'il y a des moyens d'enquête qui vont être mis sur l'analyse politique de ce geste et de comment cette personne s'est radicalisée", s'est félicitée Zelie Heran, responsable du pôle juridique de SOS Racisme, venue sur place présenter ses condoléances à la famille de la victime.
Mardi après-midi, devant l'Assemblée nationale, Bruno Retailleau a exprimé "une pensée émue" pour les victimes, leurs familles, mais aussi pour "la communauté tunisienne". Ce meurtre est "clairement un crime raciste", "sans doute aussi antimusulman", et "peut-être aussi un crime terroriste", a ajouté le ministre de l'Intérieur, "heureux" que le Pnat se soit saisi de l'affaire.
Organisée par les proches du décédé, une marche blanche aura lieu dimanche à 15h00 à Puget-sur-Argens, annonce une feuille blanche scotchée sur la devanture de "Facekoop".
"La population est invitée à se rassembler massivement et dans le calme pour affirmer notre rejet absolu de la haine et notre attachement aux valeurs de respect, de tolérance et de fraternité", a commenté un communiqué de la mairie publié sur Facebook.