Son départ du groupe disco-pop en septembre 2024, motivé par des violences psychologiques dont elle a accusé certains membres masculins, avait fait grand bruit.

Depuis, l'autrice-compositrice-interprète constate que sa décision a "généré beaucoup de discussions", "un écho" auprès du public et "des prises de conscience chez certaines femmes".

Dans la foulée, elle a témoigné en avril devant la commission d'enquête parlementaire sur les violences commises dans le secteur culturel, pour dénoncer une omerta. "On se passe le mot, entre les femmes du milieu, pour éviter tous ceux que tout le monde sait dangereux, mais aussi indéboulonnables", avait-elle déclaré.

Mais pas question d'en rester là pour Flore Benguigui, qui associe sa passion pour la musique à ses combats féministes, convaincue que ce sont "des actions individuelles qui feront changer les choses".

"Très vite est venue l'idée et l'envie de faire d'autres projets en tenant compte de tout ce qui m'était arrivé par le passé, donc de créer des projets qui soient vertueux, engagés, joyeux aussi et avec des personnes qui me sont chères", explique-t-elle.

En plus d'un podcast déjà existant, "Cherchez la femme", sur les oubliées de l'histoire de la musique, elle co-organise désormais avec un collectif des jam sessions, séances d'improvisation dans le jazz.

La troisième "Cherchez la jam" se tient mercredi, à la Petite Halle de la Villette, à Paris.

- "Libérateur" -

Le choix du jazz n'est pas un hasard pour la trentenaire: elle le chante depuis son adolescence, a étudié dans un conservatoire de jazz et a une résidence au club parisien Le Baiser Salé, où elle se produisait même entre les tournées de L'Impératrice.

"Je me sens vraiment comme à la maison dans les clubs de jazz, parce qu'il y a quelque chose de très libre et de très confortable, que je n'avais pas vraiment quand j'étais en tournée dans la pop", confie-t-elle.

Sauf que dans le jazz, "il y a très peu de femmes, le peu de femmes qu'on est, c'est souvent des chanteuses", beaucoup moins des instrumentistes, déplore-t-elle.

Dans une jam, des musiciens qui n'ont a priori jamais joué ensemble se retrouvent sur scène autour d'un standard ou d'une tonalité sur laquelle démarrer, pour ensuite se lancer dans l'impro. 

Aux yeux de Flore Benguigui, c'est "le nœud du problème": "Pour jouer avec des gens qu'on ne connaît pas, il faut être extrêmement détendu, (...) se sentir libre et en tant que femme dans cette industrie on se sent très rarement comme ça", avance-t-elle. "On est tellement conditionnées pour être dans l'autocritique permanente qu'on ne laisse pas la place à l'erreur, à l'accident."

La seule manière de sortir de ces schémas est, selon elle, de réserver des jams à "des femmes et des minorités de genre", lors de ces soirées soutenues par la Sacem et la Fondation des femmes.

"Certains pourront peut-être dire que c'est un peu drastique, mais moi je pense qu'il faut passer par là pour libérer ces espèces de carcans qu'on se met dans la tête", explique-t-elle, précisant que le public, lui, est mixte.

Lors des deux premiers rendez-vous, il s'est produit "quelque chose d'assez jouissif et libérateur" et des chanteuses "m'ont dit que c'était la première fois qu'elles arrivaient à improviser sur scène", s'enthousiasme-t-elle.

Le milieu du jazz "m'intéresse d'autant plus que je vois aussi comment on peut le changer de l'intérieur", ajoute Flore Benguigui, privilégiant de son côté des morceaux écrits par des femmes ou avec des "paroles féministes".

Ce retour entier à cette musique, nourri de ces nouvelles perspectives, inspire l'artiste, qui planche sur un nouvel album. Forcément jazz.