A défaut de se croiser dans les couloirs de l'Assemblée nationale, Arnaud Montebourg et Patrick Kron se sont livrés à une passe d'armes autour des conditions de la négociation d'une vente de 70 % des actifs d'Alstom au conglomérat américain GE, à l'occasion de leur audition -successive- à la commission des affaires économiques. « Patrick Kron, je le vois beaucoup parce qu'il me demande toujours de l'aide : pour vendre ses TGV, pour vendre des diesels de secours à EDF, pour vendre des centrales..., et c'est normal c'est mon travail [...] Mais Alstom n'a jamais voulu coopérer », a-t-il critiqué, dédouanant en revanche le premier actionnaire d'Alstom, Martin Bouygues.Réfutant l'idée du fait accompli, Patrick Kron a expliqué pour sa défense que son silence vis-à-vis du gouvernement n'avait « rien à voir avec la confiance mais avec la confidentialité. Ce genre de projet ne peut être mené que dans une confidentialité importante. C'est toujours le cas. Entre le moment où j'ai pris conscience qu'un accord était possible et la fuite de Bloomberg, il s'est passé quelques heures », a-t-il plaidé. Derrière lui, Grégoire Poux-Guillaume, le président de la division Grid, dont Arnaud Montebourg a indiqué qu'il avait été le seul dirigeant d'Alstom mis dans la confidence et associé à la négociation avec GE.

« Adossement ? Mais c'est une vente ! »

Sur la forme, Arnaud Montebourg critique jusqu'à la sémantique de Patrick Kron : « Adossement ? Mais c'est une vente ! », a rappelé le ministre de l'Economie. « Alliance, cession, adossement, chacun peut les mettre à son goût. Il s'agit d'intégrer ces activités à un groupe qui a les moyens d'assurer un avenir à ces activités et à ses salariés », a défendu le PDG d'Alstom. Sur le fond, Arnaud Montebourg a pointé le risque de perte de souveraineté en matière d'activités nucléaires. « GE dit qu'il peut faire un détourage de l'activité nucléaire mais pour le vendre à qui ? », a questionné le ministre. « Areva n'a jamais fait de turbines », a-t-il rappelé. Ce qu'a d'ailleurs confirmé hier le président du directoire d'Areva Luc Oursel. « Nous n'avons pas vocation à fabriquer des turbines. La fabrication de turbines n'est pas une activité proprement nucléaire, a-t-il indiqué en marge de l'assemblée générale d'Areva. Il faut que nous trouvions avec le futur repreneur des dispositions qui nous offrent des garanties sur notre approvisionnement ». A propos d'une éventuelle offre concurrente de l'allemand Siemens, Arnaud Montebourg a indiqué que le groupe avait envoyé hier un courrier à Alstom pour « demander des précisions, approfondir la connaissance d'Alstom dans le but de développer certainement une proposition ». « La data room est ouverte. Ces échanges sont normaux », a-t-on seulement réagi dans l'entourage de Patrick Kron. « Rien n'est plié, tout est à décider », a-t-il assuré aux députés.« Si tous ceux qui n'ont pas la taille critique vendent, on ne va pas garder grand chose », a finalement jugé le ministre de l'Economie.