Près de 8 milliards d'euros ou 12 % de sa masse salariale brute, c'est le surcoût du travail que la branche professionnelle Syntec du numérique, de l'ingénierie, du conseil, de l'événementiel et de la formation professionnelle évalue par rapport à ses homologues de grands pays concurrents européens. Elle s'appuie pour cela sur une étude Rexecode publiée lundi.

Cette « surfiscalisation du travail qualifié » pèse « lourdement » sur la compétitivité et la capacité d'innovation, alerte-t-elle au moment où le projet de loi de finances de la Sécurité sociale 2025 se joue et, avec lui, la baisse des allègements de cotisations de salaires dont bénéficient les employeurs.

« Très mauvais signal »

L'avenir de cette baisse des allègements est l'un des très nombreux sujets clivants, politiquement et économiquement, pour lesquels François Bayrou et ses ministres concernés doivent arracher un compromis. Dans la version laissée en plan par la censure du gouvernement Barnier, elle ne concerne que les salaires au-delà de 2,25 SMIC. Avec, à la clé, un gain de 1,6 milliard d'euros pour la Sécurité sociale, bien loin des 4 milliards d'euros (en net) attendus dans le projet initial de l'ex-gouvernement Barnier.

Pour Syntec, qui était monté au créneau en novembresur le sujet, cette baisse ne ferait qu'aggraver le mal. Par rapport à la situation moyenne de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie et des Pays-Bas, les prélèvements sur le travail représentent 6 points de salaire brut de plus en France en moyenne entre 1,4 et 2,5 SMIC, 11 points entre 2,5 et 3,5 SMIC, 15 points à 4 SMIC et davantage au-delà, a calculé Rexecode.

Pousser les feux comme prévu en l'état dans le PLFSS alourdira le coût du travail de 400 millions pour la branche, a calculé l'institut économique. « Cela viendrait aggraver de plusieurs centaines de millions d'euros les 8 milliards de surcoûts dont souffrent déjà nos entreprises, et près de la moitié de nos salariés seraient concernés, ce qui est considérable. C'est surtout un très mauvais signal », commente le président de la fédération professionnelle, Laurent Giovachini, qui craint un début d'exode des talents.

Dose de capitalisation

En lieu et place, la fédération propose au contraire d'aligner le coût du travail qualifié au niveau des pays voisins de la France. Le bénéfice ? De l'ordre de 0,4 point de PIB en plus et près de 100.000 emplois créés à « long terme ». Et un surcoût pour les finances publiques - non chiffrée, à court terme, « qui pourrait être minimisé par une mise en oeuvre très graduelle », préconise-t-elle.Pour garantir sa compétitivité, Syntec préconise aussi « un déplacement de la charge fiscale et sociale vers d'autres assiettes, comme la TVA », un scénario déjà refermé par le gouvernement. Autre piste, encore plus explosive : la branche préconise de « réinterroger » la couverture retraite et chômage pour les très hauts salaires. « On pourrait alors envisager de limiter le cadre obligatoire à un socle de salaire plus bas, et laisser davantage de liberté aux salariés et aux employeurs dans le choix de leurs instruments de prévoyance et d'assurance », peut-on lire dans l'étude. En clair, introduire une dose de capitalisation, au moins pour les retraites, décrypte Laurent Giovachini.