Pour Airbus, l'avion électrique constituait un défi technologique. C'est désormais une ambition industrielle. L'E-Fan qui avait simplement roulé sur le tarmac du Bourget l'an dernier, a fait vendredi son premier vol officiel dans le ciel de Mérignac, salué par Arnaud Montebourg comme une « révolution dans l'aéronautique ». L'avionneur européen, le premier à se lancer dans la production d'un appareil 100 % électrique, assemblera son petit avion dans une usine qui sortira de terre au bord des pistes de l'aéroport bordelais. Avec un calendrier très serré puisque Volt'air SAS, la société filiale à 100 % d'Airbus Group, espère livrer son premier exemplaire pour la fin 2017. Le pari est à la fois technique et industriel avec un budget de 50 millions d'euros prenant en compte la construction de l'usine et surtout la conception du futur appareil. Visant le marché des aéro-clubs, l'appareil sera différent du prototype qui a volé vendredi matin. Ce dernier a été développé par Airbus Group Innovations (la cellule recherche et technologie du constructeur) et Aéro Composites Saintonge, une PME de Royan qui en a aussi assuré la fabrication. Les deux entreprises étaient déjà associées pour fabriquer le Cri-Cri, un engin lui aussi électrique destiné à la voltige.

Airbus voit déjà plus loin

L'E-Fan 2.0 aura, lui, une autonomie de vol supérieure à une heure, contre quarante-cinq minutes aujourd'hui, grâce à de nouvelles batteries et une aérodynamique affûtée. Toujours biplace mais avec des sièges placés côte à côte, l'E-Fan 2.0 vise le marché de la formation des « 650.000 pilotes dont l'aéronautique aura besoin dans les années à venir », explique Jean Botti, directeur général délégué technologie et innovation d'Airbus Group. Les futurs pilotes pourront en effet passer leur 1er brevet sur cet appareil. « Il n'y a pas de différence en termes de pilotage avec un appareil classique. Hormis le fait qu'il faut gérer ses manoeuvres de façon à consommer le moins d'énergie possible », explique Didier Esteyne, le pilote de l'E-Fan et son concepteur chez ACS. L'enjeu de la certification étant majeur, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) est étroitement associée au projet ainsi que Daher- Socata, le fabricant d'avions légers basé à Tarbes.Airbus espère s'arroger 10 % d'un marché mondial des avions-écoles estimé à 21.000 unités pour les vingt prochaines années. « Le prix d'un avion-école est d'environ 150.000 euros. Nous serons certes plus chers, mais, avec un coût d'usage bien moindre grâce aux économies sur le carburant et sur la maintenance », assure Agnès Paillard, la présidente du pôle Aerospace Valley et qui prendra la présidence de Volt'air. Si les dirigeants d'Airbus sont très prudents sur les retombées économiques, Arnaud Montebourg a affirmé que cette nouvelle filière générerait localement 360 emplois indirects.L'E-Fan 2.0 ne constitue pas une fin en soi et préfigure peut-être ce que pourra être l'avion du futur entièrement électrique puisque le projet s'inscrit dans le cadre des 34 plans « la nouvelle France industrielle » du gouvernement. Et Airbus voit déjà plus loin et a déjà entamé un partenariat baptisé, « E-aircraft », avec Siemens, Rolls-Royce et Diamond Aircraft notamment autour de la propulsion hybride et de la propulsion répartie. Avant de voir, d'ici à vingt ou trente ans, décoller un avion de transport régional électrique, Airbus projette déjà de décliner l'E-Fan dans une version quatre places à propulsion hybride qui offrira une autonomie d'au moins trois heures de vol et permettra de passer le 2e brevet de pilote, autorisant le vol aux instruments.