Comme il y a dix mois, une centaine de tracteurs ont afflué et déversé des bennes de détritus devant les bâtiments des services de l'État à Agen, des scènes identiques ayant été observées à Bordeaux notamment.

"En début d'année, il y avait de l'espoir, il n'y en a presque plus. Mais les paysans sont combatifs et il est hors de question de capituler", a souligné dès le matin Karine Duc, coprésidente de la CR47.

Quelque 350 à 400 manifestants (chiffre de la police) ont rejoint la préfecture, qui avait déjà subi les éclats de leur colère fin janvier avec l'arrosage de lisier sur les façades et un impressionnant incendie devant les grilles - pour une facture de nettoyage évaluée à 400.000 euros sur l'agglomération.

Un échange téléphonique tendu a eu lieu entre le syndicat et le préfet du Lot-et-Garonne, qui ne voulait pas revivre "la pire situation de France". Mais les tracteurs ont pu finalement approcher de l'édifice et y déverser des déchets à la mi-journée, après le retrait de barrières anti-émeute et le recul d'une compagnie de CRS.

- "Pas de blabla" -

Une délégation du syndicat qui dirige la Chambre d'agriculture départementale depuis deux décennies a été reçue en préfecture dans l'après-midi pour exposer ses revendications.

Mais faute d'avoir obtenu "des engagements forts" de la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, les deux responsables de la CR47, Karine Duc et José Perez, ont refusé de quitter les lieux. 

Les deux réprésentants de la CR47 ont finalement "dû être escortés par les forces de l’ordre, sans incident", a écrit la préfecture dans un communiqué publié après 23H00.

"C'est la réponse qu'a le gouvernement pour le monde agricole. On vous sort comme des chiens, c'est une honte. On veut juste pouvoir vivre de notre métier, juste nourrir les gens", a réagi José Perez à la sortie de la préfecture.

"On n'a pas de réponse ce soir, on n'aura pas de réponse tout court. On ne nous a pas répondu en début d'année (...) Voilà, ça veut dire que vous pouvez crever", ont estimé les deux coprésidents.

La CR réclame des baisses de charges et des mesures pour assurer la compétitivité française.

"Si on arrive à travailler avec la même réglementation partout en Europe, je vous garantis que nous serons compétitifs", a affirmé plus tôt dans la journée Karine Duc. "Nous n'avons pas peur de la concurrence, c'est la concurrence déloyale qui est insupportable", a-t-elle ajouté, pointant du doigt l'accord commercial controversé entre l'UE et des pays latino-américains du Mercosur, en cours de négociation.

Mardi, le mouvement lancé par la CR a été suivi dans d'autres départements de la région comme en Charente-Maritime, Dordogne, Gironde, dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques. À Périgueux, 45 tracteurs et 29 remorques chargées de déchets ont convergé devant la préfecture.

- "Centrales d'achat" -

Faute de réponses de l'État jugées satisfaisantes, le syndicat appelle à bloquer le fret alimentaire à partir de mercredi. "On bloquera tout ce qu'il y a besoin de bloquer pour qu'enfin on nous écoute", promet José Perez.

Des centrales d'achat de la grande distribution pourraient être prises pour cibles dans plusieurs départements, de la Charente au Tarn-et-Garonne en passant par la Gironde ou les Landes.

La CR en Dordogne a évoqué une manifestation à Brive (Corrèze).

À Pau, des agriculteurs ont aussi prévu de passer la nuit aux abords de la préfecture.

À Bordeaux, "le préfet est à l'écoute, c'est bien, mais après en haut lieu... on sent que c'est compliqué", a dit un représentant de la CR33 au sortir d'une réunion avec Étienne Guyot. "On va remonter une note à la fois à la ministre de l'Agriculture et au Premier ministre, en essayant d'identifier les priorités absolues", a commenté pour sa part le préfet de région.