L'enjeu est crucial pour les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles. Après des mois de débats, les syndicats et le patronat ont trouvé la semaine dernière un compromis pour améliorer leur indemnisation par la Sécurité sociale. Prévue pour 2025, l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles du jeu reste cependant incertaine compte tenu de la crise politique en cours.

« La réparation pour nous reste insuffisante mais on est arrivés à faire quand même de très belles avancées », défend Jocelyne Cabanal de la CFDT. « Si vous avez par exemple des difficultés à fermer la main [à la suite d'un accident, NDLR], là où vous aviez 3.500 euros de réparation pour toute la vie, vous aurez à peu près 9.650 euros », affirme-t-elle. Le syndicat souligne aussi que pour les cas les plus graves, les victimes pourront à la fois toucher une rente mais aussi bénéficier d'une enveloppe financière (déduite de la rente) pour adapter leur logement, changer de véhicule, etc.

Plus de 2.000 euros par an en plus

Du côté de FO, on fait valoir qu'un jeune salarié, très atteint dans sa capacité à travailler (taux d'incapacité de 75 %) et touché dans sa vie quotidienne, pourrait bénéficier de plus de 2.000 euros par an d'indemnisation en plus (avec une rente proche de 21.000 euros). La CGT doit encore se prononcer d'ici à la fin de la semaine sur le compromis, mais il est déjà largement soutenu dans le camp patronal et syndical.Il est en revanche critiqué du côté des associations de victimes. « Aujourd'hui, on a un système qui indemnise mal, qui continuera à mal indemniser », estime l'avocat de l'Association des accidentés de la vie (Fnath), Karim Felissi. Les nouvelles règles apportent une « légère amélioration », a-t-il estimé devant l'association de journalistes Ajis, mercredi.

Le compromis met en musique un accord déjà trouvé au printemps dernier par les partenaires sociaux. Celui-ci prévoyait de prendre en compte deux types de répercussions d'un accident ou d'une maladie liée au travail. Les conséquences sur le parcours professionnel de la victime, comme les pertes de revenus, mais aussi sur la vie personnelle : douleurs physiques, moral en berne, perte de la qualité de vie, etc. Cette analyse n'allait pas de soi. Car en début d'année 2023, une décision de la Cour de cassation est venue chambouler les habitudes, obligeant syndicats et patronat à se repencher sur la question.

Sujet sensible

Très juridique, le sujet est aussi politique. Car d'un côté, les associations et syndicats plaident pour des indemnisations aussi généreuses que possible. De l'autre, les employeurs arguent que la facture ne doit pas s'envoler, notamment quand la faute de l'entreprise est reconnue, au risque d'obliger à augmenter les cotisations qui financent le système d'indemnisation.

Témoin de la sensibilité du sujet, l'exécutif avait déjà tenté l'an dernier de retranscrire dans la loi les principes de réparations des accidents du travail et des maladies professionnelles établis par les partenaires sociaux. La retranscription proposée dans le projet de budget avait cependant fait bondir les associations de victimes et obligé syndicats et patronat à se remettre autour de la table. Le compromis trouvé la semaine dernière a beau sembler assez consensuel, sa mise en musique reste cependant très incertaine.

Pour s'appliquer au plus vite, il doit être retranscrit dans le prochain budget de la Sécurité sociale. Une loi dont l'élaboration et la discussion s'annoncent mouvementées compte tenu des législatives anticipées et de la déroute de l'ex-majorité présidentielle.