"Mon cher Macron, ouvrez un petit peu votre cœur", a lancé M. Lula lors d'une conférence de presse à l'Elysée. L'accord UE-Mercosur "serait la meilleure réponse que nos régions puissent apporter face au contexte incertain créé par le retour de l'unilatéralisme et du protectionnisme tarifaire", a-t-il ajouté, sur fond de surtaxes douanières imposées partout dans le monde par le président américain Donald Trump.

"Je vais assumer la présidence du Mercosur (...) pendant un mandat de six mois. Et je voudrais vous dire une chose: je ne vais pas laisser la présidence de Mercosur sans un accord avec l'Union européenne", a-t-il insisté, avant de se dire "optimiste" sur une issue positive.

Cet accord avec l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay doit permettre à l'UE d'exporter notamment plus de voitures, de machines et de spiritueux, en échange de l'entrée de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains.

Paris s'y oppose dans sa forme actuelle. "Cet accord (...) fait porter un risque pour l'agriculture des pays européens", a ainsi répondu Emmanuel Macron, alors que des députés français avaient réuni la veille plusieurs filières agricoles à l'Assemblée pour réaffirmer leur opposition au texte.

Dans un communiqué conjoint, les ministres français, hongrois et autrichien de l'agriculture ont rappelé "leurs fortes préoccupations" sur cet accord, qu'ils jugent "déséquilibré au détriment des intérêts agricoles européens". 

D'autres membres de l'UE, comme l'Allemagne ou l'Espagne, y sont en revanche favorables.

Il s'agit de la première visite d'Etat en France d'un président brésilien depuis 2012. Elle intervient à quelques mois de la COP30 organisée par le Brésil en novembre. Les deux présidents, qui entretiennent des relations chaleureuses malgré leurs différends, devaient notamment partager un dîner d'Etat dans la soirée.

La visite de M. Lula, qui avait lui-même accueilli son homologue français en mars 2024, va permettre de signer une série d'accords de coopération dans les domaines de l'environnement, la technologie, la défense, l'énergie et la santé.

- Crises internationales -

Dans le contexte mondial mouvementé, marqué notamment par les surtaxes douanières américaines ainsi que les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, "il est d'autant plus important de retrouver des convergences avec le Brésil, un grand Etat émergent", qui assure cette année la présidence tournante du bloc de pays émergents des Brics, a souligné l'Elysée.

La France compte notamment sur la mobilisation du Brésil, qui a reconnu l'Etat palestinien en 2010, pour peser sur l'issue de la conférence organisée par la France et l'Arabie saoudite à l'ONU mi-juin, visant à redonner un élan à une solution politique au conflit israélo-palestinien.

M. Lula a de nouveau accusé "le gouvernement d'extrême droite" israélien de commettre un "génocide prémédité" à Gaza "contre des femmes et des enfants".

Il a estimé que la reconnaissance de l'Etat palestinien était "un devoir moral, humain et une exigence politique de tous les dirigeants du monde". Paris considère pour sa part que cette reconnaissance doit être accompagnée de celle d'Israël par les pays arabes.

Concernant l'Ukraine, les présidents brésilien et français ont campé sur leurs positions divergentes, alors que Brasilia continue d'entretenir de bonnes relations avec la Russie et observe une attitude de neutralité vis-à-vis de la guerre en Ukraine.

"Il y a un agresseur, c'est la Russie. Il y a un agressé qui est l'Ukraine. Nous voulons tous la paix, mais on ne peut pas traiter les deux belligérants de manière équidistante", a déclaré le président français, en relevant pour autant que le Brésil avait "un rôle très important à jouer" dans la recherche d'une solution au conflit.

M. Lula était à Moscou le 9 mai pour les commémorations de la victoire contre l'Allemagne nazie, où il a été reçu par le président russe Vladimir Poutine.

Après sa visite à Paris, le président brésilien participera le 8 juin à un sommet économique à Monaco, puis sera à Nice le 9 avec le président Macron pour l'ouverture de la conférence de l'ONU sur les océans.