Après deux apparitions à Cardiff, le groupe emblématique de la Britpop se produit cinq soirs à guichets fermés dans un immense parc de sa ville natale, deuxième étape de sa grande tournée de retrouvailles.
Dès l'après-midi, une longue file d'attente s'est formée devant l'entrée : les plus chanceux à l'ombre des arbres, les autres tentant de se rafraîchir à coups d'éventails par 30 degrés.
Arrivée de Saint-Étienne, en France, avec un groupe d'amis, Lisa patiente depuis six heures. "C'était l'occasion de notre vie, on n'aurait jamais imaginé les voir en concert un jour", s'enthousiasme cette femme de 23 ans.
Dans la queue, les fans arborent les t-shirts de la tournée, des maillots vintage de Manchester City, d'autres sont torse nu.
Depuis l'annonce l'an dernier de la réconciliation entre Liam et Noel Gallagher, cette cité industrielle du nord de l'Angleterre vit dans l'attente de ce qui a été surnommé le "jour d'Oasis". Quelque 400.000 spectateurs sont attendus pour les cinq concerts.
Impossible ici d'échapper aux frères Gallagher, dont les visages s'affichent partout, comme sur cette fresque géante du Northern Quarter, un quartier branché.
L'événement ravive les souvenirs de l'époque où Manchester était le foyer d'une créativité musicale bouillonnante.
- Vague de chaleur -
"Il y a clairement un regain d'effervescence en ville", observe Susan O'Shea, une experte en musique et maître de conférences à la Manchester Metropolitan University.
Dans les années 1990, Manchester était au sommet de sa gloire culturelle.
Oasis régnait sur les ondes, succédant à des légendes locales comme Joy Division et The Smiths. "Ces groupes (leur) ont ouvert la voie", rappelle Ed Glinert, le créateur des visites guidées "Manchester Walks", consacrées à l'histoire musicale de la métropole.
Si cette dernière est actuellement accablée par une vague de chaleur estivale, le fameux mauvais temps a été un "facteur très important" dans cet héritage musical, affirme-t-il.
"La majeure partie de l'année, il fait sombre, gris, froid, humide, il y a du vent. Cela se ressent dans la musique."
À la fin des années 1980, le club mythique The Hacienda a propulsé la ville dans une nouvelle ère, avec l'arrivée de la house et de la scène rave.
Le phénomène "Madchester" est né, porté par des groupes comme les Happy Mondays et The Stone Roses, que Liam et Noel Gallagher ont souvent cités en tant que sources d'inspiration.
"Les Stone Roses ont vraiment été les premiers de la scène de Manchester à avoir influencé Oasis", estime Pete Howard, 77 ans, le propriétaire du magasin "Sifters" où les deux frères avaient l'habitude d'acheter leurs disques.
- "Légende vivante" -
Immortalisé dans la chanson Shakermaker sous le nom de "Mister Sifter", Pete Howard accueille encore aujourd'hui des fans en provenance du monde entier.
"Pour nous, c'est un pèlerinage. C'est comme rencontrer une légende vivante", confie Veronica Paolacci, une Milanaise de 32 ans, à propos du septuagénaire.
La scène locale reste dynamique. Susan O'Shea cite les groupes émergents PINS et The Red Stains, les rappeurs Aitch et Bugzy Malone, ainsi que des lieux comme The Peer Hat et Gullivers.
La renommée internationale de Manchester semble pourtant s'être émoussée. "Elle était bien plus grande quand la Britpop était plus populaire", estime un fan de cette musique, Dan Verberkel, un ingénieur néerlandais de 38 ans spécialement présent pour le concert.
Outre Manchester, d'autres cités ont contribué à façonner l'identité musicale britannique du XXe siècle : Birmingham pour le heavy metal, Bristol pour le trip-hop et bien sûr Liverpool, la ville des Beatles.
Mais depuis les années 2000, les choses ont changé. Selon Ed Glinert, l'avènement du numérique a brisé les dynamiques régionales.
"Aujourd'hui, vous pouvez produire de la musique dans votre chambre à partir de votre ordinateur, sans qu'elle ait aucun lien particulier avec l'endroit où vous vivez", lance-t-il.