Ils étaient 300, puis 20, puis huit et n'étaient plus que trois en lice samedi, avant que le vainqueur ne soit désigné dans la soirée, après une ultime épreuve symphonique: à 29 ans, le Japonais Satoshi Yoneda l'a emporté sur le Chinois Xie Tianyi, benjamin de la compétition à 21 ans, et le Canado-Américain Kirian Friedenberg, 26 ans. 

Si le Japon avait déjà remporté à dix reprises le concours fondé en 1951, la Chine ne l'a encore jamais décroché et avait placé cette année quatre impétrants parmi les 20 derniers finalistes qui se sont mesurés depuis lundi dernier à Besançon.

Pour Xie Tianyi, c'était aussi "une question d'honneur national". "En tant que Chinois, nous devons défendre l'honneur de notre pays et remporter une récompense supplémentaire", déclarait-il à l'AFP avant la finale.

Dans la splendide Kursaal, au décor de cité thermale de la fin du XIXe siècle, les candidats dirigent un orchestre en conditions réelles, face à un public qui se passionne pour l'issue du match. 

L'affrontement prend des allures de course contre la montre: lors de la demi-finale, les huit candidats ont 18 minutes chacun pour remporter l'épreuve du concerto. Un compte à rebours égrène les secondes sur un écran en fond de salle et une impitoyable clochette retentit lorsque le temps est écoulé.

- "Faire vibrer" -

Au programme: neuf minutes de Berlioz et autant de Saint-Saëns. Les musiciens, de l'Orchestre Victor-Hugo de Besançon, ont répété les pièces. Les concurrents, qui les connaissent aussi sur le bout des doigts, devront convaincre par leur capacité à transmettre leur interprétation de l'oeuvre aux musiciens... et au jury. Comme lors d'une répétition, ils s'interrompent pour transmettre leurs consignes aux instrumentistes.

"Quels sont ceux qui vont nous donner le plus d'émotion, qui vont vraiment être des artistes? La difficulté, c'est de faire d'un orchestre de 80 musiciens un seul instrument", décrypte Jean-Michel Mathé, directeur du concours et du Festival de musique de Besançon organisé simultanément.

"Est-ce qu'ils vont comprendre et transmettre leur interprétation et nous faire vibrer?" 

Quelques heure plus tôt, les candidats ont passé l'épreuve de l'opéra en dirigeant quatre chanteurs dans Cosi Fan Tutte de Mozart. Difficulté supplémentaire: lever la tête pour diriger les chanteurs sur scène et la baisser pour s'adresser à l'orchestre dans la fosse.

Certains, comme le Taïwanais Brian Liao, multiplient les interactions avec les chanteurs et les commentaires en franglais, pour le plus grand plaisir du public.

Derrière ses grosses lunettes, Xie Tianyi en fait un peu trop: il bondit derrière son pupitre et chante à gorge déployée avec les interprètes.

D'autres, plus sobres, osent à peine interrompre la musique. "Pourriez-vous chanter plus pour vous-mêmes que pour les autres?", demande poliment Satoshi Yoneda, réclamant un peu plus d'intimité dans l'interprétation de la romance mozartienne.

- "Un tremplin" -

De New York à Tokyo, Besançon brille dans la tête des jeunes chefs d'orchestre, depuis que le maître japonais Seiji Ozawa, décédé l'an dernier, l'a remporté en 1959, avant d'effectuer une brillante carrière.

"C'est un concours qui est vraiment reconnu mondialement. Tout le monde au Japon parle de ce concours et c'est aussi un des seuls concours connus aux Etats-Unis", assure à l'AFP Kirian Friedenberg. 

Pour le gagnant, "c'est un véritable tremplin: on vous donne une carrière, bam, il y a des portes qui s'ouvrent, qui sinon restent fermées", espère-t-il.

"C'est le concours le plus important au monde", abonde Brian Liao. "Il a une longue histoire, et tous les deux ans il y a un gagnant, et cela ouvre des carrières, pas seulement en Europe mais dans le monde entier".

Cette lumière soudaine n'étant pas toujours facile à gérer, les organisateurs ont mis en place un accompagnement de trois mois pour le vainqueur. Le Français Swann Van Rechem, qui a décroché la timbale en 2023, en a bénéficié.

Satoshi Yoneda repart de Besançon avec un chèque de 12.000 euros.