Le sujet suscite un rejet d'une large part de la classe politique, au nom du pouvoir d'achat et de la compétitivité de l'économie française. Et il pourrait coûter son poste au Premier ministre Michel Barnier. Il s'agit de la hausse de la taxe sur l'électricité, prévue dans le cadre du projet de budget 2025 examiné depuis lundi au Sénat.

Après son entrevue, lundi matin, à Matignon, Marine Le Pen, la cheffe de file des députés RN, a réitéré la menace d'une censure du gouvernement « si le budget reste en l'état ». Elle juge « inadmissible » l'augmentation de la taxe sur l'électricité (accise) et le compromis sur les retraites. Or, le gouvernement n'entend pas céder et compte bien « enlever le bouclier tarifaire » mis en oeuvre face à la crise énergétique en 2022. Sans que cela fasse grimper les factures, a redit lundi matin le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, sur Public Sénat.

Perte de compétitivité pour les entreprises

Le gouvernement défend que la hausse de la taxe sur l'électricité ira de pair, le 1er février prochain, avec une baisse de 9 % des tarifs réglementés d'EDF, en raison de la chute des prix de gros de l'énergie. 60 % des ménages français bénéficient de ces « tarifs bleus », et 15 % ont des contrats de marché indexés sur ce tarif.La décision du gouvernement sur où, in fine, placer le curseur de ces taxes a un impact majeur tant pour le portefeuille des consommateurs que pour la compétitivité des entreprises. Si la taxe sur l'électricité revenait simplement à son niveau d'avant-crise (32 euros le MWh pour les ménages contre 1 euro en 2022 et 2023), sans nouvelle augmentation, la baisse de leur facture irait jusqu'à 12,1 %, selon des simulations du gouvernement consultées par « Les Echos ». La baisse serait même de 16,2 % si la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ne renchérissait pas, le 1er février prochain, le tarif de transport de l'électricité (Turpe).Pour le quart restant des ménages et pour la plupart des entreprises, approvisionnés aux prix de marché, le relèvement de l'accise sera synonyme de hausse de la facture globale. Une entreprise consommant 160 MWh par an, actuellement dans la moyenne des pays voisins, perdrait son avantage compétitif vis-à-vis de l'Allemagne et reviendrait à un niveau équivalent. Elle serait également moins compétitive qu'un concurrent britannique et décrocherait par rapport à la Flandre. Les 300 électro-intensifs français, bénéficiant d'un régime de faveur, resteraient gagnants.Un relèvement de la fiscalité sur l'électricité pourrait aussi aller à l'encontre des objectifs de décarbonation, en pénalisant les consommateurs d'électricité face à ceux se chauffant au gaz. Selon les mêmes simulations, si le gouvernement portait l'accise sur l'électricité au-delà de son niveau d'avant-crise, cela renforcerait l'avantage compétitif du gaz, dont les usagers ont déjà profité d'une baisse des prix de gros plus rapide.C'est pour cela, par exemple, que la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, avait appelé à soutenir l'électricité face au gaz. Mais le projet d'amendement gouvernemental prévoyant une hausse de la fiscalité sur le gaz (et les billets d'avion) avait finalement été rejeté par Matignon.

Une hausse alternative de la taxe sur le gaz

Ces mesures auraient pu rapporter 1,5 milliard d'euros, dont 500 millions pour le gaz (sur les chaudières et sur la vente de combustible). Bien loin néanmoins des 3,4 milliards d'euros de recettes supplémentaires que le gouvernement compte tirer de la taxe sur l'électricité. D'où l'insistance de Matignon…La hausse de l'accise fait néanmoins l'unanimité - ou quasiment - contre elle. Elle avait été supprimée à l'Assemblée nationale par LFI, le RN, mais aussi la Droite républicaine, membre du socle gouvernemental. Au Sénat, la majorité de droite penche désormais pour « une équité entre la taxation du gaz et de l'électricité », a résumé Gérard Larcher au « JDD ».La commission des finances de la Chambre haute propose de limiter la revalorisation de la fiscalité sur l'électricité à son niveau d'avant-crise, et de compenser le manque à gagner par des baisses de dépenses (apprentissage, Service national universel…) et une augmentation de la taxe sur… le gaz. C'est aussi la position de Daniel Gremillet (LR), déjà auteur d'une proposition de loi de programmation énergétique, qui a déposé une série d'amendements au projet de Budget en ce sens.Le rapporteur Jean-François Husson (LR) propose d'alourdir de 4 euros par MWh l'accise sur le gaz naturel. Soit un bond de 25 % environ (de 16,37 à 20,37 euros le MWh). Cela représenterait un surcoût de « 62 euros par an » pour le chauffage d'un ménage vivant dans un 100 m2, avance son amendement. A l'inverse, un relèvement de la taxe sur l'électricité dans le haut de la fourchette envisagée par le gouvernement pourrait coûter « plus de 350 euros », cette fois pour une famille de 4 personnes se chauffant à l'électricité, selon le sénateur.D'autres parlementaires ont transmis des pistes d'économies au gouvernement, comme les députés Vincent Jeanbrun (LR) et Yann Wehrling (Ecologie positive). A Matignon, où l'objectif principal reste la baisse des dépenses publiques, les différentes propositions sont regardées avec attention. En gardant à l'esprit que les arbitrages pourront aussi être adoptés, in fine, par le biais du… 49.3.