Entre l'agriculteur arrivant à peine à se verser 1.000 euros chaque mois et le patron d'une entreprise florissante qui dispose d'un revenu mensuel à cinq ou six chiffres, c'est le grand écart total. Cela illustre les parcours de vie très différents que l'on peut croiser, regroupés sous le statut d'indépendants. Une catégorie qui englobe toutes les personnes en emploi mais sans être salariées.

Pour autant, les indépendants ont un point commun : le fait qu'ils ne soient pas assujettis aux mêmes cotisations obligatoires que les salariés, ce qui fait peser un risque accru et singulier en cas de lourdes pertes de chiffre d'affaires. Certes, en cas de liquidation ou de redressement judiciaire, certains travailleurs non salariés peuvent bénéficier d'une sorte d'allocation chômage, appelée allocation des travailleurs indépendants. Mais cette ATI, versée pour une durée de 6 mois maximum, est plafonnée à 26,30 euros par jour et 800 euros par mois.

Le constat est le même s'agissant de la retraite. « Quand on est un indépendant, le régime d'affiliation dépend de son corps de métier, mais globalement on cotise moins qu'un salarié. Donc, à rémunération équivalente et sans disposition particulière, la pension est plus faible », résume Marilyn Vilardebo, présidente d'Origami & Co, qui accompagne principalement les travailleurs non salariés (TNS) dans le conseil et la liquidation de leurs droits à la retraite.

Améliorer sa pension de retraite

C'est pourquoi, « entre 45 ans et 50 ans, il est important pour un dirigeant de faire le point sur sa retraite future pour pouvoir adapter sa stratégie », recommande Marilyn Vilardebo. Car des ajustements peuvent lui permettre d'augmenter sa pension en devenant par exemple salarié de sa propre entreprise, en augmentant sa rémunération mensuelle sur laquelle sont assises les cotisations, ou encore en rachetant des trimestres pour partir plus tôt à taux plein. « Méconnu, le rachat Madelin, propre aux TNS (hors professions libérales et agriculteurs), leur permet d'acheter 4 trimestres par an sur les 6 dernières années incomplètes, à un coût 3 fois moins élevé qu'un rachat pour années d'études », illustre cette experte de la retraite.

L'écueil peut être de raisonner uniquement en fonction du système de retraite actuel. Or, l'histoire récente démontre que son cadre est mouvant. « Il faut agir sur ce qu'on peut maîtriser aujourd'hui, à savoir se constituer une cagnotte qui servira à la retraite ou en cas de coup dur », insiste Benoist Lombard, président de Maison Laplace et directeur général délégué du groupe de gestion de patrimoine Crystal. C'est pourquoi « je recommande souvent aux indépendants de mettre de côté la différence de cotisations par rapport aux prélèvements retraite des salariés », poursuit-il.

« Pour financer sa retraite, le pari du chef d'entreprise repose souvent sur la cession de son outil de travail. Mais si la vente se passe mal ou n'a pas lieu, épargner progressivement peut permettre d'éviter de courir à la catastrophe », renchérit Gauthier Haem, directeur du développement de la société de gestion Yomoni. Plusieurs enveloppes se prêtent à accueillir l'épargne des indépendants. En matière de préparation de la retraite, le plan d'épargne retraite (PER), depuis sa création en 2019, a pris le relais des anciens contrats Madelin réservés aux travailleurs indépendants et aux professions libérales. Comme l'assurance-vie, le PER permet d'investir sur des fonds appelés unités de compte selon son appétence au risque et son horizon de placement.

Les vertus du PER

« Le plan d'épargne retraite est un bon outil de capitalisation notamment sur l'aspect fiscal, car l'entrepreneur peut déduire ses versements de son revenu imposable », met en avant Gauthier Haem. Le cas échéant, il sera imposé au retrait de son capital, a priori à la retraite, donc à un taux marginal d'imposition généralement plus faible que durant sa vie active. Dans le détail, pour les artisans, commerçants, chefs d'entreprise et professions libérales, le calcul du plafond de déductibilité est complexe. Il correspond au plus élevé des montants entre les 10 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS) de l'année N-1 auquel s'ajoutent 15 % du bénéfice imposable compris entre 1 et 8 PASS de l'année des versements ; et les 10 % des bénéfices imposables dans la limite de 8 fois le PASS, augmentés de 15 % du bénéfice imposable compris entre 1 et 8 fois le PASS de l'année des versements. « L'intérêt du PER est aussi qu'il est 'passeportable'. Si le chef d'entreprise devient salarié, il pourra toujours continuer à alimenter son PER », ajoute Benoist Lombard. La sortie s'effectue en rente ou en capital. Et, même s'il s'agit d'un produit tunnel ayant vocation à être bloqué jusqu'à la retraite, il existe des circonstances où le déblocage anticipé est permis, comme en cas d'invalidité ou de liquidation judiciaire de son entreprise.

Plus liquide, l'assurance-vie fait également partie des « must have » pour les indépendants cités par les gestionnaires de patrimoine sollicités. « L'assurance-vie répond la plupart du temps aux besoins de nos clients. Lorsque la source de revenus professionnels habituelle disparaît, cette enveloppe de capitalisation permet de financer le maintien du train de vie dans des conditions juridiques et fiscales intéressantes », explique Véronique Moureaux, ingénieure patrimoniale chez Edmond de Rothschild.

L'assurance-vie, couteau suisse

En effet, avant les huit ans de l'enveloppe, la fiscalité est la même que pour les autres valeurs mobilières, à savoir la flat tax de 30 %, dont 12,8 % d'impôt sur le revenu. Mais après huit années de détention, le détenteur bénéficie d'une franchise d'impôt de 4.600 euros par an pour un célibataire (9.200 euros pour un couple), sachant que l'impôt ne s'applique pas sur la totalité du montant retiré, mais uniquement sur la quote-part représentative de la plus-value.L'assurance-vie répond aussi à un souci de transmission. « A condition que les versements aient eu lieu avant les 70 ans du souscripteur, les capitaux décès perçus par les bénéficiaires visés par la clause ne feront pas partie de l'actif successoral et supportent une taxation spécifique avantageuse dans certaines situations », rappelle Véronique Moureaux. « Le plus pertinent est souvent de combiner le PER et l'assurance-vie, met en avant Benoist Lombard. D'autant plus qu'en ayant plusieurs enveloppes et plusieurs émetteurs, en cas de défaillance d'un assureur, la probabilité d'atteindre le plafond d'indemnisation sera plus faible », poursuit le gestionnaire de patrimoine. Pour rappel, en cas de défaut d'un assureur proposant des contrats de droits français, le fonds de garantie des assurances de personnes indemnise les épargnants à hauteur de 70.000 euros par personne et par assureur défaillant.