Deux mots ont suffi pour faire le buzz dans la Silicon Valley ces derniers jours : « founder mode ». Comprendre : les méthodes de gestion des fondateurs de start-up. Surtout, ils ne sont pas sortis de la bouche de n'importe qui. C'est Paul Graham, le cofondateur du célèbre incubateur américain Y Combinator, qui a publié le week-end dernier un petit essai autour de ce nouveau concept - opposé au « manager mode » - qui n'en est pas vraiment un.Il met le doigt sur une des grandes difficultés que rencontre un fondateur au cours de son aventure entrepreneuriale, à savoir sa capacité à faire passer sa start-up à l'échelle, (« scaler ») tout en gardant son agilité pour ne pas finir comme un grand groupe bardé de process.Pour illustrer sa pensée, Paul Graham évoque une intervention de Brian Chesky à Y Combinator. Le cofondateur d'Airbnb raconte avoir suivi les conseils de certaines personnes (ses investisseurs, suppose-t-on) qui se résumaient à « embaucher les bonnes personnes et leur laisser de l'espace pour faire leur job ». Les résultats ont été « désastreux », selon le patron de la place de marché, qui a fini par prendre comme modèle Steve Jobs (Apple), connu par exemple pour avoir organisé une retraite annuelle pour les 100 personnes les plus importantes chez Apple. « Jusqu'à présent, cela semble fonctionner. La marge de trésorerie disponible d'Airbnb est désormais l'une des meilleures de la Silicon Valley », écrit Paul Graham. Pour résumer, Brian Chesky aurait donc fait le choix de gérer son entreprise avec son ADN de fondateur et non comme un « gérant d'entreprise professionnel ». « Quand une entreprise grossit, il y a une baisse de productivité et de vélocité. Tout le monde l'a accepté. La seule chose qui reste à faire ensuite c'est de couper les coûts, à savoir se séparer d'une partie des effectifs. Ce que font les acteurs du private equity comme Thomas Bravo quand ils rachètent des boîtes tech qui sont en fin de parcours VC [capital-risque, NDLR] », estime Pierre Entremont, cofondateur de Frst, fonds de capital-risque spécialisé dans l'amorçage.

« Une équipe de sport »

Pour passer à l'échelle et entrer dans un nouveau cycle (au bout de dix-quinze ans), un fondateur peut effectivement faire rentrer un gros fonds de private equity à son capital et/ou laisser sa place afin d'être remplacé par un dirigeant extérieur qui a une forte expérience dans un grand groupe. Dans la French Tech, plusieurs dirigeants emblématiques ont fait le choix de quitter leur rôle opérationnel ces derniers mois, comme Jonathan Anguelov (Aircall), Benjamin Gaignault (Ornikar) ou encore Antoine Hubert (Ynsect).

Il existe des entrepreneurs qui ont réussi cet exploit de rester aux manettes en gardant leur marque de fabrique, à l'image d'Elon Musk et Jensen Huang, le patron de Nvidia. « Leurs boîtes continuent à grandir vite, innover, changer. C'est inspirant », note Pierre Entremont, qui souligne le retour de la mise en valeur de l'excellence. « Une entreprise, c'est plus une équipe de sport qu'une famille. Les membres les plus performants restent, les autres partent », ajoute-t-il. C'est donc sans surprise qu'Elon Musk a soutenu l'essai de Paul Graham en tweetant « worth reading » (ça vaut le coup de le lire).

D'autres ont, en revanche, trouvé le texte assez banal. « Le contenu informatif de l'essai est pratiquement nul, si vous avez l'esprit pratique. En effet, comment allez-vous tester cela dans votre propre contexte ? », a tweeté Cédric Chin, un entrepreneur dans la tech. Eric Newcomer, le célèbre auteur de la newsletter qui porte son nom, a de son côté publié deux graphiques, celui du cours de Bourse - en baisse - d'Airbnb et celui d'Uber en hausse, avec la phrase « founder mode versus manager mode ». Pour rappel, le fondateur d'Uber, Travis Kalanick, n'est plus aux manettes de la plateforme de VTC depuis 2017.