Auchan, Michelin, Valeo, Nexity, ou encore Sanofi… La fin de l'année aura été marquée par un retour en force des annonces chocs de restructurations. Les statistiques que vient de publier la Direction de la recherche du ministère du Travail (Dares) montrent qu'il ne s'agit pas d'un effet d'optique. On assiste bel et bien à une multiplication des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), plus communément appelés plans sociaux.
Au troisième trimestre, leur nombre s'est en effet accru de 7,6 % par rapport au trimestre précédent pour atteindre 141. Sans doute y a-t-il eu un effet de rattrapage après le petit infléchissement du printemps 2024, qui pourrait être corrélé au frein classique à l'approche d'élections. Mais cette progression s'inscrit dans une tendance marquée à la multiplication des PSE depuis la mi-2023. Elle s'est en outre accompagnée d'une très forte hausse du nombre de suppressions de postes associées. La Dares en a dénombré 23.841 au troisième trimestre, en données corrigées des variations saisonnières. Ce niveau n'avait jamais été atteint depuis la fin de la crise sanitaire, au début de 2021. « Sur un an, le nombre de PSE validés et/ou homologués est en hausse (+27 %) et les effectifs concernés s'accroissent très nettement (+131,1 %) », souligne ainsi le ministère du Travail.Ces statistiques concernent les restructurations qui ont effectivement démarré après avoir reçu l'aval des pouvoirs publics (une validation en cas d'accord signé entre direction et syndicats et une homologation s'il s'agit d'une décision unilatérale de l'employeur). Il ne comprend pas ceux qui sont encore en cours d'élaboration.Le mouvement pourrait encore s'amplifier
Le recensement de ces derniers montre que le mouvement de restructurations pourrait encore s'amplifier. La Dares a en effet enregistré sur le troisième trimestre 178 lancements de procédure, soit une augmentation de plus de 20 % de leur nombre par rapport au trimestre précédent, et même de 34,8 % sur un an.Il faut remonter au premier trimestre de 2021 pour retrouver un tel nombre, et même, si l'on excepte la parenthèse du Covid, à 2016. C'est d'autant plus significatif que ce chiffre est prudent : ne sont comptabilisés que les projets qui ont fait l'objet de la création d'un dossier dans le système d'information de l'administration. Cette tendance à une multiplication des restructurations se retrouve également dans les licenciements économiques qui ne sont pas assortis de l'obligation pour l'employeur de lancer un plan social, soit qu'il ait moins de 50 salariés, soit qu'il licencie moins de 10 salariés à la fois.Au troisième trimestre 2024, la Dares a recensé 2.917 procédures de licenciement collectif pour motif économique hors PSE, dont 9 sur 10 du fait de charrettes de moins de 10 suppressions de postes. Sur un an, cela représente une hausse de 22,2 %.Tout cela contribue à la hausse du chômage qu'ont confirmée les dernières statistiques publiées par France Travail selon lesquelles le nombre de demandeurs d'emploi sans activité a augmenté de 142.000 entre septembre et novembre et de 45.000 sur ce seul dernier mois ; un mauvais signal, même si l'Insee prévoit que la hausse du taux de chômage devrait rester limitée d'ici à mi-2025.
L'augmentation des inscriptions comme demandeur d'emploi après un licenciement économique y a contribué. On ne dispose pas encore des données concernant le troisième trimestre, mais déjà, au deuxième trimestre, elles se sont établies à leur plus haut niveau depuis la crise sanitaire, à 38.600, en hausse de 5,5 % par rapport au début de l'année.Inquiétude des syndicats
Concernant seulement 16 % des quelque 240.000 nouveaux demandeurs d'emploi enregistrés entre avril et juin, les licenciements économiques sont loin d'être le premier motif d'inscription à France Travail. Toutefois, ils « ne sont que la partie émergée de l'iceberg, car l'essentiel des suppressions d'effectifs, aujourd'hui, passe par des ruptures conventionnelles individuelles ou collectives, voire des accords de performance collective », soulignait il y a quelques semaines aux « Echos » un syndicaliste.Cette poussée des restructurations inquiète fortement les syndicats. La CGT, qui a sonné l'alarme dès le printemps, comme la CFDT pressent l'exécutif de s'emparer du sujet et préconisent notamment une réforme de la loi Florange, en cas de fermeture d'un site, mais aussi un renforcement du contrôle de l'administration sur le contenu des PSE. Un sujet qui concerne deux des ministres restés en place lors du remaniement, celle du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, qui, en novembre, évoquait « des tensions, mais pas de retournement du marché du travail » et celui de l'Industrie, Marc Ferracci.