La part des paiements en espèces a beau diminuer d'année en année, les Français y restent très attachés, surtout en période de crise. Selon les dernières estimations de la Banque de France, les espèces représentaient encore 19 % des paiements quotidiens cette année, loin derrière les 46 % de paiements par carte avec contact, mais encore devant le sans-contact (14 %) et le paiement mobile (9 %).

« L'usage transactionnel des espèces diminue, mais lorsqu'on interroge les Français, ils sont 7 sur 10 à dire qu'ils continuent de les utiliser pour leurs paiements du quotidien », explique Marc Schwartz, le PDG de la Monnaie de Paris. Avec l'Ifop, l'institution a en effet publié le résultat d'un sondage qui montre que 8 Français sur 10 se déclarent attachés aux espèces. « Les espèces sont associées à la liberté individuelle de choix entre les moyens de paiement et à la protection contre l'utilisation des données personnelles, au fait de mieux contrôler ses dépenses, et à leurs caractéristiques d'inclusion sociale face à la fracture numérique, ajoute-t-il. Dans les périodes d'inquiétude, les espèces sont également vues comme une réserve de valeur. »

« Cash stuffing »

La Monnaie de Paris estime par ailleurs que plus d'un tiers des jeunes pratiquent le « cash stuffing », une méthode de gestion de budget très relayée sur les réseaux sociaux et qui consiste à faire des enveloppes en début de mois pour chaque poste de dépense, afin de mieux les contrôler. Toutefois, pour se constituer des enveloppes de cash, encore faut-il y avoir accès. La Banque de France, qui surveille l'accès aux espèces, estime celui-ci très bon sur le territoire avec 98,8 % de la population vivant à moins de 15 minutes en voiture d'un distributeur automatique de billets (DAB). Mais face à la fermeture des agences bancaires dans les petites communes, elles sont de plus en plus nombreuses à avoir recours à des opérateurs indépendants comme Euronet, Brink's ou Loomis. Une centaine de ces automates ont ainsi été installés l'an dernier, portant leur nombre total à 679.

Important pour les touristes

Frédéric Rouet, maire de Villes-sur-Auzon, un village de 1.400 habitants au pied du Mont Ventoux a ainsi choisi d'installer un automate de la société Loomis. « Dans les villages, il y a encore un intérêt important pour les espèces, explique-t-il. On a mis le distributeur au centre du village, aux couleurs du village et nous avons en moyenne 1.500 retraits par mois, avec un pic de 2.400 en juillet et un creux de 800 en février. » Au moment des fêtes de fin d'année, le distributeur sert aussi beaucoup pour les dons, les cadeaux ou les étrennes.Il constitue aussi un point d'étape important pour ce village situé dans une zone très fréquentée par les touristes. « L'été, beaucoup de cyclistes étrangers sont présents et aiment encore payer en espèces, explique-t-il. Une fois qu'ils sont garés, les gens font leurs achats chez nous, alors qu'avant, ils consommaient ailleurs. » Grâce au distributeur, les commerçants ont ainsi pu rétablir un minimum de paiement par carte à 10 euros.Le maire admet que c'est un service qui a un coût puisque le module de 40.000 euros a été payé grâce à une subvention du département pour l'installation du DAB et que la mairie paie 1.000 euros par mois de frais de fonctionnement. Mais « si c'était à refaire, je le referais », affirme-t-il.Pour Jean-Philippe Delbonnel, fondateur de l'institut Quorum, qui a mené avec Loomis une enquête auprès de décideurs des collectivités de 1.000 à 10.000 habitants sur l'accès aux espèces, la question de l'intérêt d'un DAB ne fait pas débat. Près de 90 % des répondants estiment que l'accès aux espèces est essentiel au même titre que d'autres services comme les écoles ou les commerces de proximité.La question la plus épineuse reste celle du financement. « Les maires en reconnaissent l'utilité, explique-t-il. Mais ne sont pas toujours prêts à mettre la main à la poche et ça s'inscrit souvent dans un schéma de cohérence globale d'intercommunalité. »