Un défi herculéen : relancer l'entrepreneuriat dans une France traditionnellement pusillanime. Et un contexte plus que morose. A l'occasion des troisièmes Assises du rebond, un groupe de travail piloté par l'administratrice judiciaire Hélène Bourbouloux remet ce jeudi au ministre de l'Economie, Antoine Armand, son rapport qui vise
« à transformer la manière dont l'échec est perçu et géré en France », via des réformes juridiques, financières et scolaires.
La spécialiste des entreprises en difficulté, sacrée tout récemment meilleure administratrice judiciaire au monde, le sait mieux que quiconque : le pays reste frileux face au risque entrepreneurial. Politiques économiques et attentes sociales favorisent traditionnellement la stabilité. Doublée d'une « stigmatisation de l'échec », cette « vision réductrice » restreint donc le potentiel d'innovation de l'Hexagone, souligne le rapport.
Pour remettre la France sur les rails de la « start-up nation » chère à Emmanuel Macron, il est donc
« crucial de simplifier les procédures de liquidation, d'offrir un soutien financier adapté et de changer la culture entrepreneuriale ». Rigidités et complexité
Cadre juridique perçu comme « rigide et complexe », responsabilité personnelle des dettes, réticence des investisseurs à financer un patron malchanceux sont autant de freins au développement de l'écosystème entrepreneurial.
« La préférence des institutions financières françaises, banques et grands fonds compris, pour les investissements sûrs et les entreprises établies limite l'accès au financement pour les nouvelles entreprises, en particulier celles dirigées par des entrepreneurs ayant déjà échoué », constate le rapport copiloté par la Direction générale des entreprises.Pour pallier ces contraintes systémiques, Hélène Bourbouloux, fondatrice du cabinet d'administrateurs judiciaires FHBX, et son groupe de travail prescrivent des remèdes de cheval. Une réforme du cadre juridique et financier est jugée
« cruciale ». Au programme : la simplification administrative des procédures collectives, la mise en place de soutiens financiers spécifiques et de mesures de protection pour les entrepreneurs en difficulté.Ainsi, une suspension temporaire des obligations de remboursement calquée sur le « Chapter 11 » du Code américain des faillites est préconisée, tout comme la facilitation de la liquidation des actifs. L'introduction de la validation des acquis de l'expérience (VAE) pour les entrepreneurs est également sur la table. Augmenter, tout en la limitant dans le temps, l'allocation travailleur indépendant (ATI) serait de même un solide coup de pouce pour rebondir.Une fois la liquidation judiciaire prononcée, les experts plaident également pour le maintien pendant trois mois de la rémunération d'un patron collaboratif, notamment via l'élargissement aux chefs d'entreprise des bénéficiaires de l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS, qui garantit le paiement des salaires dans les entreprises sous procédure collective). L'alignement du traitement du crédit-bail sur le régime du prêt bancaire est également jugé souhaitable pour « renforcer le soutien apporté par la procédure collective aux TPE-PME et augmenter leur chance de redressement ».La création de fonds de relance, de subventions conditionnées à des formations et des prêts à taux réduits pour les entrepreneurs malchanceux sont également prônés par les experts, qui poussent aussi pour une meilleure protection de leurs biens personnels.
Instaurer la présomption de non-responsabilité
« Distinguer clairement les liquidations judiciaires résultant de pratiques frauduleuses de celles dues à des échecs commerciaux sans mauvaise gestion délibérée » passe par une révision du Code de commerce. Finies les interdictions de gérer une société et l'inscription des sanctions personnelles au casier judiciaire -toutes deux automatiques, l'idée serait de passer à la présomption simple de non-responsabilité.Côté système éducatif, le rapport défend l'introduction de cours sur l'entrepreneuriat. Pour les experts, changer cette culture de l'échec passe aussi par d'intenses campagnes de sensibilisation.
« Encourager les médias à diffuser des témoignages d'entrepreneurs ayant échoué puis réussi », comme ceux de Xavier Niel et Marc Simoncini, est également prescrit par les spécialistes. La balle est dans le camp du ministre de l'Economie.