Le climat politique de ces derniers mois a été pour le moins chaotique, mais une chose est sûre : les ministères français pourront utiliser Swello ces quatre prochaines années, quels que soient les prochains rebondissements. La start-up installée à Toulon, dans le Var, annonce avoir remporté de nouveau un marché public interministériel et va ainsi proposer sa solution de gestion de réseaux sociaux aux ministères, ambassades, académies et, désormais, aux préfectures. Une grande satisfaction pour la jeune pousse qui travaillait avec l'Etat depuis 2020 et remettait sa couronne en jeu. A la faveur de ce contrat-cadre, les entités étatiques pourront faire de la veille, programmer des posts sur les réseaux sociaux (LinkedIn, X, TikTok, etc.) et obtenir des analyses statistiques poussées. Swello fournit l'outil mais ne rédige pas les contenus : ce sont aux communicants que revient cette mission.Candidater à un marché public n'est pas toujours une chose aisée pour une start-up. « Cela demande beaucoup de rigueur. On peut perdre sur des détails », insiste Jonathan Noble, le patron de Swello, qui a dû remettre un document d'une cinquantaine de pages répondant à un cahier des charges précis. « Nous avions été accompagnés par une personne lors du premier appel d'offres interministériel. Pour le deuxième, nous l'avons fait tout seul », poursuit-il. A ses yeux, travailler avec ce type d'entité a aidé la start-up à grandir et à asseoir sa crédibilité, y compris auprès des acteurs privés. Aujourd'hui, Swello revendique 140.000 utilisateurs, dont les entreprises KissKissBankBank, le Palais de Tokyo et France Télévisions Distribution. Le marché public interministériel représente 13 % des revenus de la start-up. Celle-ci ne communique pas sur son chiffre d'affaires. « Cela n'est pas dangereux si on perd le contrat dans quatre ans, même si on veut bien sûr le garder », observe Jonathan Noble. Au-delà du montant, le dirigeant juge cette activité précieuse, car elle garantit à Swello des revenus sur la durée, alors que les clients traditionnels peuvent partir plus brutalement.Historiquement, les start-up collaboraient peu avec l'Etat français. Mais cela commence à changer. En 2024, Alan (assurance santé) a frappé les esprits en remportant des marchés publics avec le ministère de la Transition écologique et les services du Premier ministre - ce qui représente 8 millions de revenus récurrents annuels (ARR), selon la licorne. Cet été, OpenClassrooms (formation en ligne) a raflé 8 lots dans le cadre d'un marché public lancé par France Travail. « Ce sont des lots de deux ans, dont la durée peut être étendue », précise Guillaume Houzel, vice-président de la start-up. Swile (avantages salariés) a, elle, séduit la métropole de Rennes.

Un terrain de jeu pour l'IA

Il faut dire que les opportunitésne manquent pas. Plus de 200.000 marchés publics sont ouverts chaque année. A elle seule, la commande publique représente près du 10 % du PIB français. Or les succès des start-up restent rares. Car la procédure peut refroidir les ardeurs. « Il faut avoir l'âme sereine pour décortiquer ce qu'est un CCTP [cahier des clauses techniques particulières, NDLR], un CCAP [cahier des clauses administratives particulières, NDLR], comprendre qu'un BPU [bordereau des prix unitaires, NDLR] se remplit dans toutes les cases », sourit Guillaume Houzel. Autre problème : des start-up sous-estiment la profondeur des marchés publics ou ignorent que, dans certains cas, elles peuvent créer des dossiers avec des grosses entreprises (système de la cotraitance, dans le jargon).

Pour mettre de l'huile dans les rouages, la mission French Tech, dépendante de Bercy, a lancé le programme « Je choisis la French Tech » en 2023 afin d'inciter les entreprises et entités publiques à acheter les solutions des start-up. Cela passe par de la mise en relation, de la formation, de la communication lors d'événements, etc.

Ces dernières années, des start-up d'intelligence artificielle (IA) ont aussi vu le jour afin de démocratiser l'accès aux marchés publics, à l'image de Tengo, née dans le giron d'Hexa. Sa technologie aide à détecter, évaluer et à répondre aux appels d'offres du secteur public en un temps record. « C'est un terrain de jeu fantastique pour l'IA », plaide son dirigeant, Hugues Renou. Pionnière du secteur, Explain vient, elle, de lancer une solution de veille dédiée (entre autres) aux jeunes pousses après avoir démarré en ciblant les grands groupes. « De plus en plus de start-up s'intéressent aux marchés publics car elles ont compris que c'était un relais de croissance », appuie Guillaume Liegey, son dirigeant.

Pour aider les start-up dans le brouillard, OpenClassrooms va lancer une formation en ligne sur la préparation à des appels d'offres. Cette dernière sera disponible en janvier prochain. A choisir, les jeunes pousses préfèrent largement la commande publique - corrélée à une activité - aux subventions. Et une fois que le pli est pris, on se prend vite au jeu : en quatre ans, Swello a candidaté à une dizaine d'appels d'offres et n'a pas du tout l'intention d'arrêter.