La neutralité carbone peut être atteinte en France sans plomber la croissance économique ou les finances publiques. En présentant le rapport final de la direction du Trésor sur l'impact économique de la transition climatique, le ministre de l'Economie Eric Lombard a insisté sur ces grandes conclusions, histoire de balayer les objections régulièrement opposées à une politique ambitieuse en la matière. « La réduction des émissions de gaz à effet de serre a un coût modéré et transitoire, c'est une bonne nouvelle ! », a-t-il commenté. Les investissements dans ce domaine sont indispensables sur un plan purement économique, car ce sont bien des destructions économiques que provoquera avant tout l'inaction, a-t-il aussi rappelé en préambule. « Même si notre communication est actuellement plus occupée par les sujets budgétaires, nous voulons aller plus loin en matière de transition écologique », a-t-il assuré.
Deux ans de travail
Très attendu, le rapport publié ce lundi est le fruit de deux ans de travail engagé par le pôle environnement de la direction du Trésor créé à l'automne 2023, précisément pour analyser les impacts macroéconomiques des politiques climatiques. Une somme de 260 pages venant compléter le rapport de référence publié sur le sujet en 2023 par Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry (qui participait d'ailleurs ce lundi à sa présentation à Bercy). « Nous essayons d'avoir un message nuancé : le coût de la transition existe, mais il s'agit d'un défi d'ampleur surmontable », a souligné Dorothée Rouzet, cheffe économiste de la DG Trésor, rappelant que la France s'est engagée à réduire ses émissions brutes de 50 % d'ici à 2030 (par rapport à 1990) et à atteindre la neutralité carbone en 2050.
Les mesures à mettre en oeuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, qui passent par de la fiscalité (notamment la taxe carbone), des subventions ou de la réglementation, entraîneront selon les estimations du Trésor un ralentissement de la croissance de 0,9 point de PIB en 2030, qui se réduirait ensuite progressivement, à environ 0,5 point en 2050. L'impact de ces coûts supplémentaires pourrait toutefois être réduit si les recettes fiscales générées sont transférées aux ménages, ou aux entreprises via une baisse de cotisations sociales.Un mix d'instruments
Le Trésor souligne aussi que les investissements nets supplémentaires à engager dans la transition pourraient soutenir la croissance à hauteur de 0,4 point de PIB d'ici à 2030. Il avait déjà estimé dans un rapport intermédiaire ces investissements « verts » à 110 milliards d'euros par an en 2030, desquels devra être déduite la baisse des investissements « bruns » défavorables au climat (il évalue par exemple la baisse des investissements dans les véhicules thermiques à 37 milliards d'euros à cet horizon). L'impact de la transition sur les finances publiques dépendra évidemment des politiques mises en oeuvre, rappelle le rapport. L'un des effets de la transition, lui aussi déjà souligné, sera de réduire les recettes fiscales liées aux carburants d'origine fossile (appelés à être moins utilisés avec la montée en puissance des véhicules électriques) : ces recettes reculeraient de 11 milliards d'euros à horizon 2030 et de 33 milliards à 2050, par rapport à 2019. Ce qui sera loin d'être compensé par la hausse des recettes fiscales sur l'électricité, estimée à 1 milliard en 2030 et 3 milliards en 2050.Les auteurs du rapport estiment néanmoins que, malgré ce manque à gagner, il serait possible de limiter l'impact sur le budget de l'Etat, sans recourir uniquement à la fiscalité. Estimant, à l'inverse, l'impact potentiel énorme, le rapport Pisani-Mahfouz suggérait, lui,la création d'un ISF vert. « Nous avons construit un scénario basé sur un mix d'instruments diversifiés entre subventions, réglementation et fiscalité, dans lesquels l'impact est quasiment nul », a expliqué Nathalie Georges, cheffe du service des politiques macroéconomiques à la DG Trésor. Même si le Trésor estime que son approche comporte encore des limites méthodologiques, et invite à « une grande prudence », ces premiers travaux montrent que « le chemin existe », a insisté Nathalie Georges.
Les coupes budgétaires subies cette année par la transition écologique montrent toutefois que la recette miracle n'a pas encore été trouvée. Si la baisse des émissions de gaz à effet de serre enregistrée en 2022 et 2023 pouvait laisser penser que la France était sur la bonne trajectoire, la performance « ne sera pas forcément réitérée en 2024, selon les estimations dont nous disposons aujourd'hui », a indiqué Dorothée Rouzet.