Diot Saci, AXA, Malakoff Humanis… Ces dernières semaines, nombre d'organisations ont dégainé leur enquête, étude ou sondage sur l'absentéisme au travail. Cette thématique préoccupante, qui cible tous les âges et catégories sociales, témoigne du très net changement du rapport qu'ont les salariés à leur travail, d'une quête discontinue de sens et d'une recherche incessante d'un plus grand équilibre entre nos vies professionnelles et privées.

Avec 42 % de salariés en arrêt de travail au moins une fois en 2023, l'absentéisme tend à reculer et à renouer avec son niveau d'avant-Covid, selon la neuvième édition du Baromètre de Malakoff Humanis. Touchant davantage les femmes, les jeunes et les managers, il sévit tout particulièrement dans les secteurs de la santé (52 %) et de l'industrie (45 %), ainsi qu'au sein d'entreprises de moins de dix collaborateurs qui le voient progresser - entre 2021 et 2023 - de plus de dix points, contrairement aux organisations d'au moins 1.000 salariés qui affichent une baisse de 16 points sur la même période, pointe le baromètre.

Toutefois, comment mettre en oeuvre une stratégie quand il devient difficile d'anticiper autant les absences des salariés que les goûts volatils des clients ? Réduire d'emblée l'absentéisme à une somme de problèmes individuels est un réflexe facile auquel il serait déraisonnable de céder.

Un problème organisationnel et managérial

« Il faut d'abord comprendre ce qui est sous-jacent avant toute recherche de responsabilité individuelle. Car, tout phénomène récurrent, touchant une succession de personnes, a souvent une cause collective », prévient le psychologue du travail Christophe Nguyen, président d'Empreinte Humaine. Bien sûr, en matière d'absentéisme, il peut y avoir des abus de la part de salariés qu'il conviendra de recadrer. Mais, souvent, un plus ou moins fort absentéisme cache un problème organisationnel et managérial. Pour le contenir puis le réduire durablement, les leaders vont devoir prendre le sujet à bras-le-corps. Sans changements substantiels d'ordre culturel, l'absentéisme ne diminuera pas.

Une absence non prévue d'un salarié pendant deux jours peut, par exemple, avoir davantage de conséquences sur la chaîne de production et l'organisation de l'entreprise - surtout si sa taille est moyenne ou petite - qu'une période d'absence longue qui aurait été anticipée. La charge de travail non effectuée ainsi reportée sur les équipes en place risque alors de nourrir de la démotivation, sans compter une certaine forme d'animosité et de ressentiment. Un volant de travail inadapté se révèle toujours contre-productif.

Mauvaises conditions de travail physique, relations difficiles avec un manager, des clients ou collègues, ressources insuffisantes pour accomplir sa tâche, manque de soutien et de reconnaissance… Autant de raisons qui génèrent les arrêts de travail courts et récurrents. Pour les enrayer, ce sont les actions de prévention des risques psychosociaux qui se révèlent les plus efficaces pour préserver la santé mentale de chacun. Elles passent par du dialogue avec les salariés ainsi que de l'écoute à la fois directe et par voie de baromètres internes. « Sans se focaliser uniquement sur l'engagement ! », insiste Christophe NGuyen qui rappelle combien toute victime de burn-out est engagée.

« E n revanche, durant de longues absences pour maladie chronique ou troubles psychologiques , les entreprises doivent, sans se montrer intrusives, savoir développer des dispositifs de maintien de liens avec les salariés afin d'éviter, par exemple, toute perte de repères par rapport à une équipe qui aura changé », explique Christophe NGuyen.

Le rôle des managers intermédiaires

Bien entendu, rien ne peut se faire sans les managers qui, en position de coachs, doivent pouvoir communiquer en toute transparence et confiance avec les collaborateurs, encourager leur esprit d'initiative et les valoriser. Il leur faut aussi pouvoir mesurer les progrès réalisés après avoir favorisé la formation des équipes, qui ainsi peuvent profiter de nouvelles opportunités de carrière.

L'amélioration du cadre et des conditions de travail se pose en enjeu majeur. « Adopter une démarche qui se soucie de la qualité de la vie et des conditions de travail ( QVCT ) des effectifs, c'est assurer aux sociétés qui l'adoptent cinq fois plus de salariés engagés que celles qui ne le font pas », assurait Camy Puech, CEO de Qualisocial, il y a peu aux Echos.

Autre voie impérative : intégrer à l'équation professionnelle toutes les dimensions des collaborateurs. Et, dans le cadre d'une « vraie » politique de responsabilité sociale d'entreprise, de diversité, équité et inclusion, aménager et flexibiliser le temps de travail, histoire de faciliter la vie des aidants et de tous ceux qui ont des ennuis de santé. En matière d'absentéisme, la médecine - du travail et autre - joue bien entendu son rôle, mais la santé, physique comme mentale, doit aussi être l'affaire du management et des pouvoirs publics dont les comptes, faute de prévention en entreprise et d'une façon plus générale, risquent d'être lourdement atteints.