« Une cession, ça se prépare. Une acquisition, ça se travaille », résume Barema Bocoum, responsable des équipes de restructuring Europe, Moyen-Orient et Afrique de KPMG. A commencer par la question de la valorisation de l'entreprise cédée.« A partir de 100.000 euros de chiffre d'affaires, il faut s'adresser à un expert-comptable qui procédera à un audit des comptes, explique Frédéric Vincent, président du CRA, association qui forme et accompagne les repreneurs et les cédants. Dans un second temps, je conseille de contacter un avocat d'affaires qui mènera un audit juridique et rédigera les actes de cession », poursuit l'expert. Les deux audits représentent en général de 5 à 6 % du prix de vente.Pour estimer la valeur d'une entreprise, il existe de nombreuses méthodes d'évaluation en fonction, souvent, de sa typologie. Mais deux d'entre elles sont les plus utilisées par les cabinets comptables.

Les DCF : méthode prospective

Hervé de Monès, président du réseau Francession qui regroupe dix-huit cabinets spécialistes de l'évaluation d'entreprise, estime la méthode des DCF (pour Discounted Cash-Flow) comme la meilleure. « Quand on investit, la valeur d'un actif financier repose sur sa capacité à générer de la richesse. »Des hypothèses de cash-flow annuel sont faites à horizon de cinq ans, au-delà, il y aurait trop d'incertitude. Puis un taux d'actualisation est appliqué pour connaître la valeur présente de ces flux futurs. Ce taux est déterminé à partir du taux sans risque d'une obligation d'Etat auquel on ajoute le taux de rendement des actions offert en France au cours d'un passé récent affecté d'un coefficient de sensibilité, relatif au risque de l'activité.En pratique, cette méthode prospective est privilégiée pour les entreprises en forte croissance ou les start-up qui affichent souvent des pertes au démarrage.

Les multiples : méthode rétrospective

Frédéric Vincent, le président du CRA préfère la méthode des multiples d'un résultat passé, dit normatif, dépollué de tout événement exceptionnel. Une technique adaptée aux entreprises matures avec une stabilité de leurs résultats. « Un multiple qui varie en fonction du potentiel de croissance de l'activité, est appliqué au résultat d'exploitation ou au résultat d'exploitation avant amortissement. Il est en général compris entre 4 et 7 », détaille le spécialiste.L'expert-comptable croise ensuite son évaluation avec celle de la banque qui participe au financement du rachat. « Un financement est souvent couvert par la dette à hauteur de 70 % du prix. La banque cherche alors à savoir si les cash-flows générés par l'entreprise dans les années passées sont compatibles avec les annuités du prêt consenti. »La méthode patrimoniale de valorisation des actifs est intéressante pour les sociétés industrielles où le matériel est important, ou les commerces de détail dont le droit au bail a une valeur patrimoniale. Dans le cadre de l'achat d'un fonds de commerce, la méthode la plus simple est celle de l'administration fiscale qui a fixé des barèmes de pourcentages de chiffre d'affaires par secteur d'activité. Par exemple, pour les cafés, ce sera 500 à 1.000 fois la recette journalière TTC.

Mixer les méthodes pour affiner le prix

Pour les entreprises dont certains actifs incorporels à forte valeur n'apparaissent pas en comptabilité, il faut appliquer une méthode d'évaluation hybride dite de Goodwill (survaleur). Il s'agit de tenir compte de valeurs immatérielles telles que la qualification du personnel ou l'image de marque.Chaque méthode permet d'obtenir une fourchette de prix. « Dans la pratique, lorsque nous sommes contactés par un cédant ou un repreneur, nous mixons les différentes méthodes d'évaluation, en les pondérant avec des coefficients en fonction de leur pertinence par rapport aux spécificités de l'entreprise », indique François Baulu, juriste au sein du Cabinet Ratheaux d'avocats d'affaires.La négociation débute avec ce prix affiné. Elle intègre aussi une garantie d'actif et de passif accordée par le cédant, dont les plafonds et les planchers sont discutés. « Nous conseillons au vendeur d'être transparent sur les risques de litiges, sociaux ou environnementaux, et de présenter un bilan le plus propre possible », complète Barema Bocoum. Car, pour finir, au-delà du prix, il s'agit de donner de la visibilité à l'acquéreur en toute confiance.