C'est un serpent de mer, mais Bruno Le Maire est résolu à le dompter. Depuis six mois, le ministre de l'Economie pilote un vaste travail sur la simplification administrative, avec pour objectif affiché, d'alléger la charge des chefs d'entreprise. Ce mercredi, il rend sa copie, avec la présentation en Conseil des ministres d'un « projet de loi portant simplification de la vie économique », qui sera discuté par le Parlement dès cet été. Ce texte législatif s'accompagne de plusieurs mesures réglementaires. L'ensemble, baptisé « plan d'action : simplification ! », forme un catalogue de 50 propositions très disparates - allant de l'accès facilité aux marchés publics à la suppression de sanctions pénales visant les chefs d'entreprise en passant par la disparition totale des formulaires administratifs Cerfa.Certaines mesures ciblent spécifiquement les TPE-PME. D'autres sont sectorielles (simplifier la vie des commerces, favoriser l'implantation de centres de données, encourager les producteurs d'énergie renouvelable…). Certaines se résument à un engagement de l'administration (réduire les délais de paiement des contrats publics ou de versement des aides…). Cette liste à la Prévert est le reflet de la multiplicité des « irritants » dénoncés par les entreprises lors des consultations menées par Bercy et plusieurs parlementaires de la majorité présidentielle.

3 points de PIB perdus

A ceux qui n'y verraient qu'un empilement de mesurettes, Bruno Le Maire rétorque que le chantier de la simplification est central pour doper la compétitivité française. L'inflation réglementaire est documentée : en vingt ans, le Code du travail a triplé de volume, ceux du commerce et de la consommation ont été multipliés par quatre, celui de l'environnement par huit. Et les entrepreneurs passent de longues heures à remplir des formulaires au lieu de développer leur activité. Selon Bercy, le poids des normes ampute l'économie tricolore d'au moins 3 points de PIB, soit 84 milliards d'euros.Le chantier a aussi un double avantage pour le ministre de l'Economie. Premièrement, il s'inscrit dans la droite ligne de la politique menée depuis 2017 - avec l'allégement de la fiscalité (baisse de l'impôt sur les sociétés et des impôts de production, mise en place de la flat tax) ou de la réglementation des entreprises (loi Pacte de 2019 et loi Industrie verte de 2023). Cela permet à Bruno Le Maire de souligner sa constance. Son action vise encore et toujours à générer de la croissance, ouvrir des usines et créer des emplois.Et deuxièmement, la simplification permet de continuer à agir… sans rien dépenser. Les comptes publics ont dérapé en 2023, faisant peser la menace imminente d'une dégradation de la note de la dette française par les agences de notation. Le gouvernement va devoir réaliser des dizaines de milliards d'euros d'économies. Il n'a plus de marge budgétaire pour soutenir les entreprises. Raison de plus pour s'attaquer au fardeau administratif.

Et les patrons ne demandent que cela. Ces derniers mois, les listes de propositions à l'intention du gouvernement se sont multipliées - venues du Medef, de la CPME, de l'U2P ou de multiples fédérations professionnelles. L'attente était visiblement forte. Et le résultat plutôt bien accueilli. La CPME se félicite notamment de voir sa proposition de « test PME » retenue. « C'est un acte fondateur, se réjouit son président François Asselin. Dans tout projet ou proposition de loi, on va devoir se demander si cela affecte négativement les TPE-PME, c'est-à-dire 98 % du tissu économique du pays ! »

Patrons entendus

De son côté, le Medef « salue l'esprit de ce texte » et relève que ses souhaits ont été entendus - sur la réduction des délais d'implantation d'activité ou la simplification des régimes d'autorisation. L'organisation souligne néanmoins que le chantier est loin d'être épuisé, et qu'il va surtout falloir éviter d'empiler de nouvelles normes dans le même temps. « Ce qui va manquer dans ce corpus, c'est tout le champ social », regrette également François Asselin à la CPME.Le ministre de l'Economie avait lui-même évoqué un décalage d'un cran de tous les seuils sociaux (11, 20, 50 et 200 salariés). Mais la complexité du sujet - et surtout son caractère inflammable à l'approche des Jeux Olympiques - l'ont dissuadé de s'y attaquer à court terme. Le sujet devrait revenir dans le cadre d'une future loi Travail, portée par Catherine Vautrin à la rentrée prochaine.Bruno Le Maire minimise ce renoncement, en assurant que le plan d'action dévoilé ce mercredi n'est pas tant un « choc » que l'entrée dans un processus de simplification. Autrement dit, c'est un travail de longue haleine, qui nécessitera de s'y repencher à intervalles réguliers. Bercy prévoit d'ailleurs des « revues de normes » dans tous les ministères - sur le modèle des « revues de dépenses », ainsi qu'une « loi annuelle de simplification ». Le serpent de mer ne disparaîtra pas de sitôt.