« Une étape importante pour la conduite responsable des entreprises et un pas considérable vers la fin de l'exploitation des personnes et de la planète par les entreprises de cow-boys ». Lara Wolters a fait part de sa satisfaction, mercredi, alors que la directive européenne sur le devoir de vigilance, dont elle était rapporteure au Parlement, a été approuvée par une très large majorité d'eurodéputés. « Le moment est historique », a estimé l'association ShareAction, qui promeut l'investissement socialement responsable.

Onze ans après l'effondrement du Rana Plaza, devenu le symbole des dérives d'une industrie de la mode sous-traitant sa production en Asie du Sud-Est et en Afrique subsaharienne, l'Europe se dote de règles pour éviter qu'une telle catastrophe ne se reproduise. Les multinationales européennes devront respecter les droits sociaux et environnementaux sur toutes leurs chaînes de fabrication. Cela exclut l'esclavage, le travail des enfants, l'exploitation par le travail, l'érosion de la biodiversité, la pollution ou la destruction du patrimoine naturel. Après la directive CSRD, qui révolutionne le reporting extra-financier, et les règles pour encadrer les agences de notation extra-financières, l'Union européenne parachève ainsi le cadre réglementaire destiné à rendre la finance plus durable.

Tâche ardue

La tâche était d'autant plus ardue que ces derniers mois,le texte, qui avait pourtant été validé en trilogue à la mi-décembre, a été remis en cause par les 27 Etats membres. Sous la pression des lobbies patronaux, ils ont refusé de le voter à plusieurs reprises.Ils ont fini par trouver un accord in extremis le 18 mars, mais en limitant la portée de la directive. Sans cet accord, celle-ci aurait été reportée après les élections européennes, avec l'incertitude que la future majorité politique en fasse une priorité.

Dans le détail, les entreprises devront prévenir, stopper ou atténuer leur impact négatif sur les droits humains (travail des enfants, travail forcé, sécurité) et sur l'environnement (pollution, déforestation), y compris aux niveaux de l'approvisionnement, de la production et de la distribution.Sont concernées les entreprises qui emploient plus de 1.000 personnes et réalisent un chiffre d'affaires mondial supérieur à 450 millions d'euros, qu'elles soient européennes ou non. A l'origine, le Parlement voulait un seuil à 500 salariés, avec un chiffre d'affaires mondial net d'au moins 150 millions d'euros, ainsi qu'un autre seuil à 250 employés si le groupe européen générait plus de 40 millions de revenus qui provenaient pour moitié de secteurs à risque (textile, agriculture, minerais…). Avec ces seuils modifiés, seulement 5.400 entreprises seraient concernées, contre 16.000 dans l'accord initial de décembre, d'après Global Witness.Les entreprises devront intégrer le devoir de vigilance dans leur politique, réaliser les investissements nécessaires et obtenir des garanties contractuelles de leurs partenaires. Les entreprises devront aussi adopter un plan de transition pour rendre leur modèle économique compatible avec la limite de 1,5 °C de réchauffement climatique fixée par l'accord de Paris. Mais l'obligation initialement prévue de lier la rémunération variable des dirigeants au respect d'objectifs en matière d'émissions de CO2 a été supprimée. Et les établissements financiers ne sont pas concernés.Si elles ne respectent pas leur devoir de vigilance, les entreprises seront tenues responsables et devront indemniser leurs victimes. Chaque pays devra se doter d'une autorité nationale chargée de faire respecter le devoir de vigilance. Les sanctions pourront atteindre 5 % du chiffre d'affaires net mondial pour une entreprise qui n'aurait pas respecté ses obligations. La directive doit à présent être officiellement approuvée par le Conseil et signée, avant d'être publiée au « Journal officiel » de l'Union européenne. Elle entrera en vigueur vingt jours plus tard. Les Etats membres auront ensuite deux ans pour la transposer dans leur législation nationale.