C'est un paradoxe français : critiqué à l'intérieur de ses frontières, l'Hexagone continue d'être vu à l'étranger comme un pays où il fait bon investir. En 2023, pour la cinquième année d'affilée, il reste le premier pays d'accueil des projets internationaux en Europe, avec 1.194 décisions d'implantations ou d'extensions de sites recensées, ce qui devrait permettre de créer ou maintenir près de 40.000 emplois, selon le baromètre de l'attractivité de EY publié ce jeudi. Comme ces dernières années, il devance le Royaume-Uni et l'Allemagne dans le classement.

« C'est une excellente nouvelle. Un investissement sur cinq en Europe est réalisé en France, c'est trois points de plus qu'en 2019 », avant le Covid, se félicite-t-on à l'Elysée. L'Hexagone « attire de plus en plus d'emplois », y fait-on encore valoir avant d'ajouter : « C'est ce qui fait que la France se porte bien par rapport à ses voisins. » Ces résultats devraient être mis en avant par Emmanuel Macron pour séduire de nouveaux dirigeants internationaux lors du sommet Choose France, prévu le 13 mai.

Pour l'exécutif, ces investissements étrangers sont d'autant plus bienvenus qu'ils participent à deux de ses objectifs : la revitalisation de tout le territoire et la réindustrialisation du pays, la priorité affichée du chef de l'Etat. En 2023, 44 % des décisions d'investissement recensées étaient de nature industrielle. Au total, 530 usines devraient voir le jour dans l'Hexagone ou s'agrandir, selon EY.

En tête dans les projets d'intelligence artificielle

« Sur les projets employant plus de 250 salariés, la France fait désormais jeu égal avec le Royaume-Uni », souligne l'Elysée. « Les projets étrangers ont l'avantage de participer à l'effort de décarbonation et à la transformation énergétique du pays », relève de son côté Marc Lhermitte, associé chez EY. Autre de motif de satisfaction : dans le secteur clé de l'intelligence artificielle, essentiel pour la souveraineté, l'Hexagone fait aussi la course en tête avec 17 décisions d'investissement en 2023, notamment des centres de R&D.

La dette, les déficits ont beau inquiéter en France, les entreprises étrangères ne semblent pas s'en alarmer pour l'instant. A horizon de trois ans, les trois quarts des dirigeants interrogés jugent que « l'attractivité de la France va s'améliorer », affirmant leur confiance dans la capacité du pays à poursuivre les réformes. Vu de l'extérieur, « les compétences, la fiabilité des infrastructures et la force du marché intérieur » constituent le socle de l'attractivité hexagonale, relève EY.L'exécutif, lui, met en avant « la politique de l'offre qui a été conduite depuis 2017 », et qui produit, selon lui, des résultats. « Il ne faut surtout pas changer de stratégie, il faut au contraire l'amplifier », plaide Franck Riester, le ministre du Commerce extérieur et de l'Attractivité. Les lois sur la simplification, sur l'industrie verte ou sur le renforcement de l'attractivité financière compléteront demain la panoplie. Ce d'autant que des faiblesses structurelles demeurent.

L'Allemagne décroche

L'Hexagone fidélise, mais peine à faire venir des investisseurs nouveaux. Les entreprises étrangères pointent toujours un déficit de compétitivité persistant, les effets négatifs du climat social et un accès aux financements complexe. Le coût de l'énergie y est aussi jugé défavorable, en dépit du parc nucléaire du pays. Et la concurrence est rude. L'Hexagone a recueilli 5 % de projets internationaux en moins l'an dernier qu'en 2022, selon EY.

Installé dans une faible croissance, avec la guerre à ses portes, l'Europe a, elle aussi, enregistré un recul de 4 %. Avec moins de 5.700 de décisions d'investissement l'an dernier, elle se situe loin de son record de 2017 (6.653). En plein marasme économique, l'Allemagne subit même une chute de 12 %.

« Une attractivité allemande qui décroche, c'est une mauvaise nouvelle pour la France », avertit Laurent Saint-Martin, le directeur général de Business France. « C'est un point d'alerte. L'Europe n'est pas dans une position de force vis-à-vis du reste du monde, cela doit l'encourager à poursuivre la réflexion pour améliorer son attractivité », ajoute-t-il. Avec une méthodologie différente, la Cnuced évalue à 20 % la baisse des projets internationaux en Europe en 2023, quand ils auraient progressé de 2 % aux Etats-Unis, dotés du redoutable Inflation Reduction Act, et de 8 % en Chine.

L'enquête EY met d'ailleurs en évidence une nouvelle géographie des chaînes de valeur, avec une montée en puissance de la Turquie, de la Pologne ou de la Serbie, ainsi que des pays du sud de l'Europe à l'image de l'Espagne ou du Portugal. Malgré le Brexit, le Royaume-Uni tire lui aussi son épingle du jeu et affiche 6 % de projets en plus en 2023. Dans les services, le digital ou la finance, il a même devancé la France, pointe EY.