C'est le moment d'afficher sa détermination. La sixième édition du salon Global Industrie, qui s'ouvre ce lundi à Villepinte et durera jusqu'à jeudi, est l'occasion pour Roland Lescure, le ministre de l'Industrie et de l'Energie, de démontrer aux industriels que le gouvernement n'abandonne pas la réindustrialisation aux premiers vents contraires. Avec 2.300 exposants et 3.000 machines présentées, cette vitrine du secteur se veut le modèle réduit français de la Foire de Hanovre outre-Rhin. Dans les allées, la situation budgétaire du gouvernement - rouge vive - sera forcément commentée, avec la crainte de voir le soutien financier de l'Etat se resserrer au pire moment, quand les sommes réclamées par la décarbonation se confrontent à l'urgence d'investissements plus classiques.

Le ministre ne vient pas les mains vides : il annonce le lancement d'une nouvelle vague de projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC) dans le domaine de la santé. Après « Med4Cure » consacré à la relocalisation de médicaments dont les projets sont en cours d'instruction à Bruxelles, il s'agit de cibler les dispositifs médicaux pour lesquels plusieurs start-up ou industriels français ont une carte à jouer. Un appel à manifestation d'intérêt va ainsi être ouvert aux acteurs du secteur jusqu'à fin avril. Il couvrira trois thématiques d'innovation : allongement de la durée de vie des batteries des implants médicaux ; développement de solutions d'imagerie médicale compacte ou connectée afin de pouvoir traiter de visu ou à distance des clients peu mobiles ou habitant dans des déserts médicaux ; et solutions de décarbonation de ces dispositifs.

Trop de bureaucratie

Business France, le bras armé de l'Etat en matière d'exportation, annoncera par ailleurs ce lundi la création d'une « Team France Industrie ». Sur le modèle de celles qui ont déjà été présentées en février pour l'aéronautique, l'aérospatiale et l'agroalimentaire, « cette nouvelle filière doit permettre de chasser en meute », se félicite le directeur général de Business France, Laurent Saint-Martin.

Ces annonces suffiront-elles à alléger l'ambiance du salon affectée par le ralentissement économique ? « La France a beaucoup amélioré son image à l'étranger grâce à sa politique probusiness à l'écoute des entreprises et son mix énergétique peu carboné. Il reste cependant à résoudre les problèmes de disponibilité du foncier et la lourdeur de la bureaucratie », observe Doris Birkhofer, présidente de Siemens France. « Je ne suis pas serein, renchérit Alexandre Saubot, président de France Industrie. Entre la taxonomie, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) ou encore la directive CSRD très consommatrice de moyens financiers pour faire du reporting alors que nous avons besoin de cet argent afin d'investir massivement pour produire de manière décarbonée, rien de cela n'est favorable à la réindustrialisation », s'inquiète-t-il.

Les industriels ne remettent pas en cause l'objectif de l'exécutif. « Investir dans la décarbonation est le sens de l'histoire mais la question est celle de la vitesse de ces investissements. Les industriels sont pragmatiques, ils ont besoin de visibilité pour prendre des risques », souligne Laurent Bataille, président de Schneider Electric France. Pour l'heure, ceux-ci jugent les incertitudes trop nombreuses pour avancer tête baissée. Une diminution des taux et de l'inflation susceptible de leur redonner des marges de manoeuvre est certes en vue, mais son ampleur reste trop floue pour garantir une rentabilité aux projets de réindustrialisation verte.

La question de l'électricité

S'ajoute une question plus fondamentale sur le prix futur de l'électricité produite à partir de nucléaire. Un industriel échaudé par la crise énergétique et l'envolée des prix confirme qu'il n'est plus question de faire le pari du marché. Le secteur dans son entier souhaite un accord de long terme avec EDF. Mais s'engager pour les dix à quinze prochaines années sur un tarif n'est pas aisé, en particulier quand les carnets de commandes du secteur souffrent déjà. Une baisse de régime qui renforce la crainte de ne pouvoir vendre une production future plus verte, mais moins compétitive du fait d'un prix trop élevé de l'électricité par rapport à des concurrents américains et chinois. Et le report sine die de la loi de souveraineté énergétique ne fait que renforcer l'incertitude sur les prix futurs de l'énergie.

« Sans énergie compétitive, il n'y aura pas d'industrie. Tout le monde doit faire des efforts. Si EDF se donne des marges de manoeuvre, cela pourra marcher », espère un industriel électro-intensif.