« Banque du climat et de la renaissance industrielle », selon les termes de Nicolas Dufourcq, le directeur général de Bpifrance qui veut prendre à bras-le-corps le défi à la croisée de ces deux thématiques. « Il faut décarboner l'énergie, c'est l'éléphant dans la pièce. Par conséquent, électrifier l'industrie française est notre priorité », a-t-il conclu jeudi lors d'un bilan de l'action de l'établissement public en faveur de la transition écologique et énergétique (TEE) des entreprises.

Prêts TEE, financement de l'immobilier vert, accompagnement des greentechs, financement des énergies renouvelables : les entreprises sont friandes de l'action de l'établissement public. Le « porte-à-porte de masse » de ses agents auprès de 20.000 sociétés lui a permis de déployer 20 milliards d'euros en trois ans, contre quatre ans prévus initialement. « On va accélérer », promet encore Nicolas Dufourcq qui dispose de 35 milliards d'euros supplémentaires pour les cinq ans à venir.La banque a complété son arsenal avec trois nouveaux outils : outre une garantie verte sur 1,5 milliard d'euros de prêts bancaires d'ici à 2028 annoncée par le gouvernement en février, un « prêt industrie verte » sans garantie va permettre de financer jusqu'à 10 millions d'euros d'investissement de TEE sur douze ans. Un moyen pour les entreprises d'étaler le coût de l'investissement sans engager leur patrimoine. Un « prêt Nouvelle industrie » jusqu'à 15 millions d'euros sans garantie, couvert à 50 % par le programme InvestEU de la Commission européenne complète le dispositif. « Un entrepreneur qui le veut peut se lancer dans sa décarbonation », se félicite Nicolas Dufourcq. L'absence de suivi du taux d'électrification de l'industrie hexagonale, accro au gaz et au pétrole, donne cependant un aperçu de l'ampleur de la tâche de Bpifrance. La banque veut remédier à la situation en cartographiant ces besoins pour mieux les cibler.

Une équation difficile à résoudre

Mais la baisse du prix du carbone complique la donne. « Comment convaincre les PME d'électrifier leurs procédés si le prix du gaz et du fioul sont plus bas que ceux de l'électricité ? » s'interroge Nicolas Dufourcq. Il pointe aussi la saturation des infrastructures électriques qui freine cette électrification dans des départements comme l'Indre-et-Loire. A ses yeux l'équation est impossible à résoudre sans un travail plus étroit avec EDF qu'il appelle de ses voeux. Il salue l'accord signé en novembre dernier sur le prix de référence moyen du nucléaire de 70 euros/MWh, mais « cet accord n'est pas que pour les grands groupes, il doit ruisseler vers les PME », observe-t-il.C'est une nécessité pour accentuer la pente de progression de la décarbonation du tissu industriel hexagonal que le banquier juge insuffisante pour atteindre les objectifs climatiques. Nouvelle ère de rigueur budgétaire oblige, les premières coupes franches qu'il observe dans certaines subventions vertes qui permettaient aux entreprises d'enclencher leur décarbonation compliquent un tel mouvement. « La rigueur aura des conséquences partout, il va falloir essayer de convaincre les entreprises différemment », anticipe Nicolas Dufourcq. Lucide, il lance en parallèle un plan d'adaptation pour aider les entreprises à anticiper les conséquences du dérèglement climatique, désormais inéluctable faute de décarboner assez vite.