Alors que la ministre du Travail retrouve ce lundi les partenaires sociaux pour échanger sur la prévention des accidents du travail, les syndicats ont uni leurs voix pour demander un renforcement des moyens et des effectifs consacrés à cette politique de prévention et de contrôles.

Dans un courrier adressé le 24 avril à Catherine Vautrin, les cinq syndicats représentatifs (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) ainsi que l'Unsa, Solidaires et FSU demandent d'agir « prioritairement pour prévenir les atteintes à la santé des travailleurs » mais aussi d'« améliorer la réparation » des préjudices de ce type. « Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la sinistralité actuelle en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles », assènent les organisations, déplorant des « phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance ». En 2022, l'Assurance Maladie a recensé autour de 44.200 maladies professionnelles et 560.000 accidents du travail, dont près de 740 mortels.

« On a trop d'accidents au travail, trop de Français qui meurent au travail », a déclaré le Premier ministre, Gabriel Attal, en mars, sur TF1. Et de promettre une « grande initiative ». Des déclarations « indispensables », selon les syndicats, mais qui restent floues. D'où l'intérêt de la réunion du Conseil national d'orientation des conditions de travail ce lundi. Selon nos informations, la stratégie gouvernementale pourrait toutefois être dévoilée seulement après le conseil, Gabriel Attal souhaitant garder la main sur ce dossier. 

L'exécutif ne part pas d'une page blanche, un plan de prévention sur les accidents mortels ayant été annoncé à la fin de 2021. Les attentes sont cependant loin d'être comblées. « On sent une vraie dégradation dans les conditions de travail, avec l'intensification [du travail], les transformations du monde du travail, le réchauffement climatique, etc. », estime Isabelle Mercier, à la CFDT. « Ce qu'on attend, c'est une grande politique de santé et de sécurité au travail, il faut que dans notre pays les choses bougent », lance Eric Gautron, de FO. Comme les autres syndicats, l'organisation demande l'ouverture « d'une large concertation sur les politiques de prévention » et le « renforcement des effectifs des préventeurs et de l'inspection du travail ». «On a un vrai problème, c'est qu'en France, on fait de la réparation », souligne Frédérique Galliat, conseillère nationale à l'Unsa.

Syndicats inquiets

Selon « La Tribune », le gouvernement envisagerait de renforcer la médecine du travail. Dans ce domaine, « cela fait quasiment quinze ans qu'on gère la misère », estime Jérôme Vivenza, à la CGT.

Les syndicats s'inquiètent aussi des effets de la réforme des retraites, en particulier pour les métiers pénibles. Le texte a donné naissance à un fonds de 1 milliard d'euros sur cinq ans pour financer des actions de prévention pour ces métiers, mais les branches professionnelles doivent encore s'entendre sur les types de postes à cibler. Les organisations syndicales attendent également la mise en musique de l'accord trouvé l'an dernier avec le patronat sur les accidents interprofessionnels et maladies professionnelles. Celui-ci était censé améliorer le système de réparation des victimes, mais sa transposition a été suspendue à l'automne après un désaccord avec l'exécutif sur une mesure relative au calcul des rentes. Le sujet fait toujours l'objet de discussions, censées aboutir « dans quelques semaines », indique Eric Gautron.

Les discussions promettent d'être animées. Y compris sur le diagnostic. La France est régulièrement présentée comme une mauvaise élève de l'Europe en matière de santé au travail. Mais pour la CPME, les statistiques sont trompeuses car la Sécurité sociale attribue au travail des accidents ou maladies qui ne sont pas classés comme professionnels ailleurs en Europe. « C'est une question de thermomètre », insiste Eric Chevée, de l'organisation représentant les petites et moyennes entreprises. Celui-ci estime par ailleurs que beaucoup de moyens financiers sont déjà mis sur la table, notamment pour la réparation des accidents. « Là où on a un effort à faire, c'est sur les jeunes », reconnaît-il cependant.