L'exécutif a beaucoup célébré l'ancrage territorial des entreprises de taille intermédiaire. A 70 % familiales, les ETI, dont les deux tiers des sièges sociaux sont situés hors de l'Ile-de-France, apparaissent comme les garantes de l'emploi local et de la reconquête industrielle nationale. Ces 6.200 sociétés qui comptent entre 250 et 4.999 salariés et réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 1,5 milliard « sont aussi fortement exportatrices et très présentes à l'international », souligne Sylvie Grandjean, vice-présidente du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti, l'organisation patronale qui les rassemble) et dirigeante du producteur de machines-outils Redex, dans le Loiret (93 millions de chiffre d'affaires annoncé en 2024).

En attestent les chiffres du premier « baromètre des dynamiques internationales des ETI » remis jeudi à Franck Riester, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l'Attractivité : 86 % des ETI ont une activité d'export - contre 10 % des PME - , une sur deux réalise plus de la moitié de son chiffre d'affaires à l'export et 9 sur 10 ont une implantation à l'étranger. Mais encore, 6 sur 10 ont accru ou initié leur présence à l'international, en exportant ou en s'implantant sur place depuis la crise sanitaire, et plus de 7 sur 10 pensent monter en puissance dans les douze prochains mois.

« Au point mort »

Cette force de frappe internationale et, en creux, cette forte contribution à la balance commerciale, alors que la préoccupation sur la faiblesse des exportations françaises demeure, les dirigeants d'ETI tentent aujourd'hui d'en faire un levier auprès du gouvernement pour réclamer des conditions de production plus compétitives.

Lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, les « champions cachés » - comme on surnomme parfois les ETI dans les rangs patronaux - ont, il est vrai, bénéficié d'une réelle attention présidentielle et de plusieurs mesures gouvernementales, notamment la baisse des impôts de production. Une politique de l'offre qu'ils saluent mais « le processus est désormais au point mort », affirme Olivier Schiller, vice-président du Meti et PDG de Septodont, une ETI francilienne en pointe dans l'anesthésie dentaire dans le monde (400 millions de chiffre d'affaires).

Dans une Europe qui constitue le premier marché à l'export pour près des trois quarts des ETI exportatrices et reste la première zone d'implantation internationale (62 %), le Meti demande « un réalignement compétitif de la France sur la moyenne européenne », prix de l'énergie compris. Redex, qui réalise à l'international 85 % de ses ventes, « a dû récemment renoncer à quasiment toute la marge pour remporter un marché de 4 millions d'euros en Pologne », raconte Sylvie Grandjean.

« Le développement de nos entreprises passe par l'international, il faut continuer à favoriser leurs exportations et leur rayonnement international », plaident les patrons d'entreprises de taille intermédiaire. D'autant que le baromètre fait émerger une autre limite : en dépit des chiffres, les ETI se déclarent peu informées des soutiens à l'export. Seule une entreprise sur trois a connaissance des dispositifs existants. Et pour l'approche des nouveaux marchés, elles s'en remettent en premier lieu à leur réseau personnel.

« Dans le bon sens »

Le Meti compte sur l'appui de Franck Riester, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre du plan Osez l'export qui doit permettre de passer de 150.000 à 200.000 exportatrices, PME et ETI, d'ici à 2030. « Tout ce qui peut concourir à développer nos affaires va dans le bon sens », réagit le ministre. « Nous apportons avec Business France ou Bpifrance des accompagnements essentiellement destinés aux PME et un certain nombre de services et financements stratégiques sont en priorité utilisés par les grands groupes », explique-t-il, se disant prêt à travailler avec le Meti sur les outils et canaux d'information. L'exemple du Mittelstand allemand n'en fait pas moins encore rêver les ETI tricolores. « Dans les grands salons internationaux, les entreprises allemandes sont réunies sous une même bannière, l'ambassadeur se déplace pour les soutenir… La France est plus frileuse, et la présence des missions diplomatiques pas aussi efficace en la matière », regrette Olivier Schiller. « Nous pouvons aller plus loin en termes de visibilité des pavillons français dans les salons internationaux », concède Franck Riester.

Derrière l'activisme des ETI, une autre partie, européenne cette fois, se joue. Le Meti et ses homologues allemands, espagnols et portugais ont rencontré récemment des sénateurs et des députés pour défendre la reconnaissance de la catégorie, avec une législation adaptée à leur taille, à l'échelle européenne. Le dossier est majeur pour ces entreprises alors que le seuil de 250 salariés est déclencheur pour appliquer les réglementations proposées par la Commission européenne. « Les politiques publiques européennes en faveur des PME ne sont pas adaptées aux réalités économiques spécifiques des ETI et entravent leur potentiel de croissance », ont indiqué, à l'issue de la réunion, la délégation aux entreprises du Sénat et le président de la commission des affaires européennes de la chambre haute, Jean-François Rapin. Certains patrons d'ETI espèrent déjà un assouplissement des règles d'attribution des subventions.