Une page se tourne dans le commerce. La fédération du commerce spécialisé Procos, qui regroupe 300 enseignes et 60.000 points de vente, change de philosophie au gré de l'élection à sa présidence d'André Tordjman, le patron de la chaîne d'ustensiles Du Bruit dans la Cuisine. L'association quitte le terrain des revendications à l'égard des pouvoirs publics et des exploitants de centres commerciaux en faveur d'une approche positive du métier de commerçants.

« L'environnement du commerce s'est beaucoup modifié ces dernières années et la crise sanitaire du Covid a amplifié et accéléré le changement. Il faut évidemment distinguer les impacts conjoncturels de ceux qui sont structurels et engager des plans d'actions pour s'adapter à ce nouveau contexte », écrit le communiqué publié fin avril.

La nécessité de pivoter

« Le monde de la distribution a besoin de pivoter. Avec la transition écologique, il n'est plus question d'acheter pour acheter, dans un acte mécanique. Il faut donner envie au consommateur de réaliser un acte d'achat dont beaucoup lui disent qu'en réalité il n'est pas vraiment nécessaire », détaille André Tordjman aux « Echos ».Les commerçants actent la fin de la consommation de masse, comme la concurrence de l'e-commerce. Ils veulent travailler leur « désirabilité » et ne plus se contenter de dupliquer à un maximum d'exemplaires leurs concepts commerciaux comme c'était le cas auparavant.

Procos a longtemps offert à ses membres des analyses fines en matière d'urbanisme commercial. La fédération recense les ouvertures de surfaces commerciales et mesure leur impact pour aider les boutiques à s'implanter. Ce travail continue, mais avec le zéro artificialisation nette et la baisse de la consommation dans le non alimentaire, notamment dans le textile, l'heure n'est plus à l'expansion à tout va. A quelques exceptions près, dans le cadre de projet de réaménagement urbain, les promoteurs ne créent plus de nouveaux centres commerciaux. L'heure est plutôt à la réhabilitation, voire la reconversion des sites existants.

Dans la même logique, les dirigeants de la fédération ne veulent plus que les rapports avec l'Etat et les bailleurs, les propriétaires des murs de leurs boutiques, concentrent toute leur attention. Longtemps, la demande d'une réforme, voire d'un gel de l'indice des loyers commerciaux (ILC) et de plus de transparence sur les charges a été leur priorité. « Aujourd'hui, il faut donner envie aux consommateurs, mais aussi à nos collaborateurs ainsi qu'à nos partenaires de l'immobilier commercial », tranche le nouveau président qui souligne le besoin de retravailler les offres, dans une logique multicanale. Lui-même combine ses magasins Du Bruit dans la Cuisine avec le site Internet Du Bruit dans les recettes. « Nos offres commerciales doivent être plus désirables et nos collaborateurs plus à l'écoute des clients avec une excellente connaissance des produits », tranche André Tordjman qui appelle l'ensemble de la filière commerce à « sortir par le haut » du pessimisme qui l'entoure depuis plusieurs années. Une façon de dire qu'il faut préparer le passage à une nouvelle forme de consommation.