Même pas peur. Alors que vendredi, Fitch et Moody's doivent se prononcer sur la note de crédit de la France - une quinzaine de jours seulement après que Bercy a revu à la hausse ses prévisions de déficit pour 2024 -, le calme règne sur le marché obligataire. Les investisseurs ne semblent pas inquiets.

Une sérénité qui se mesure en observant le spread (écart de taux) entre les obligations à 10 ans françaises et allemandes, considérées comme les plus sûres de la zone euro. Lorsque les investisseurs s'inquiètent des perspectives pesant sur la dette d'un pays, cet écart de taux augmente. Or depuis le début de l'année, le spread français est resté stable, évoluant autour de 50 points de base, sa moyenne depuis la fin de la crise du Covid.

Situation dégradée

Il ne serait pourtant pas surprenant que les agences de notation, y compris S&P Global Ratings qui rendra sa décision le 31 mai, durcissent le ton vis-à-vis de Paris. Pour l'instant, Moody's note la France « Aa2 » avec une perspective stable, un rating équivalant à celui de S&P (« AA »), cette dernière étant toutefois assortie d'une perspective négative. Plus sévère, Fitch avait abaissé la France à « AA- » (stable) en avril 2023.

Mais la situation s'est dégradée. Et les agences, qui avaient officieusement accordé un répit à la France le temps de mener à bien la réforme des retraites, risquent de perdre patience. « Le déficit et la dette, réalisés en 2023 et projetés pour les années ultérieures, sont très supérieurs aux projections sur la base desquelles les agences ont attribué les notes qui prévalent jusqu'à maintenant », alerte Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG.

En outre, les hypothèses de croissance sur lesquelles le gouvernement fonde ses prévisions (1 % en 2024) paraissent très optimistes comparées, par exemple,à celles du Fonds monétaire international (0,7 %). Surtout que les efforts de réduction des dépenses seront plutôt de nature à ralentir l'économie française. Cette combinaison de facteurs rend donc de plus en plus difficile la nécessaire stabilisation de l'endettement public français, déjà à plus 110 % du produit intérieur brut l'an dernier.

Bienveillance relative

Comment expliquer cette relative bienveillance des marchés vis-à-vis de la France, surtout quand certains pays européens plus vertueux, comme l'Espagne, payent plus cher pour se financer sur les marchés ? D'abord, même si les agences de notation s'apprêtent à donner de la voix, il paraît peu probable qu'une dégradation soit annoncée ce vendredi. Passer d'une perspective stable à un abaissement de note serait particulièrement violent. Fitch et Moody's devraient plutôt passer leur perspective à négative, annonçant une possible baisse ultérieure. Et cette hypothèse est déjà prise en compte par les marchés.

Dans le cas de S&P, c'est différent. La perspective est déjà négative, ce qui rend probable un abaissement d'un cran du rating de la France, à « AA- ». « Mais même dans ce cas, la France restera dans l'univers des doubles A, estime un spécialiste des marchés. Ce ne sera pas de nature à contrebalancer les avantages de la dette française aux yeux des investisseurs, notamment institutionnels. » Jugées sûres et très liquides, les obligations assimilables du Trésor (OAT) représentent toujours une alternative très prisée aux Bund allemands, qui sont des titres plus rares.

Enfin, la baisse des taux de la BCE qui se profile devrait alléger les risques qui pèsent sur les dettes souveraines. Traditionnellement, ces évolutions de politique monétaire se traduisent par un resserrement des spreads. Mais la France reste en sursis. Sans un assainissement significatif de ses finances publiques, elle pourrait finir par user la patience des agences et des investisseurs.