L'émoi est plus nouveau et pour tout dire inespéré. Nos gouvernants auraient-ils enfin découvert qu'il y a un trou dans la caisse, et que ce trou pourrait finir par poser problème ? En tout cas, ils ont appliqué le scénario de crise pour calmer le jeu : fuite dans la presse, réunion des chefs de parti à l'Elysée, montée au créneau d'Emmanuel Macron qui a parlé de « compléter » l'effort budgétaire.
Pourquoi le tocsin du déficit sonne-t-il plus fort aujourd'hui qu'hier ? L'incendie serait-il plus menaçant ? Voici les sept raisons qui pourraient faire basculer les marchés, même si certaines sont moins affolantes qu'il n'y paraît.Le précédent grec
Depuis une décennie, il n'y avait pas eu un tel écart entre la prévision du gouvernement (déficit de 4,9 % du PIB) et le chiffre Insee (sensiblement plus de 5 %), hormis bien sûr l'épisode Covid. Or un déficit plus élevé que prévu peut déclencher une catastrophe. La crise de la zone euro de 2011-2012 avait commencé en Grèce fin 2009, quand un nouveau gouvernement avait révélé une impasse budgétaire dépassant largement les estimations précédentes.Par bonheur, la France ne devrait pas rejouer la tragédie grecque. Athènes avait révisé son estimation de déficit de 6 à 12 % du PIB. Le chiffre final avait été de 15 % et des enquêtes ont prouvé que les chiffres antérieurs avaient été trafiqués. A Paris, l'écart est inférieur à 1 % (ou un point de PIB, comme disent les puristes). Début mars, Rome a révélé un écart deux fois plus grand (déficit de 7,2 % contre 5,3 % prévu) sans subir apparemment de sanctions.Les agences de notation
En décembre dernier, un énorme soupir de soulagement avait fait vibrer les murs du ministère des Finances quand Standard & Poor's avait maintenu son évaluation de la capacité de l'Etat à rembourser sa dette. Mais l'agence de notation la plus influente au monde va publier un nouvel avis début juin. Les deux autres grandes du secteur, Moody's et Fitch, donneront leur verdict le 21 avril.
Au vu des mauvais chiffres, les agences vont fatalement envisager d'abaisser leur note. Or leurs avis sont très suivis des investisseurs qui détiennent la dette française.Le pic de 2026
La dette publique française ressemble à une longue pente qui monte régulièrement d'année en année. Mais sa gestion est beaucoup plus mouvementée. En 2026, l'Agence France Trésor devra piloter un pic. Cette année-là, elle devra rembourser 228 milliards d'euros d'obligations, presque 100 milliards de plus qu'en 2024.Elle devra donc lever plus de 320 milliards (il faut rajouter le déficit de l'année en cours). Tout cela peut très bien se passer. Mais plus il faut emprunter, plus le risque est grand.Les dépenses inévitables
Depuis des années, le gouvernement passe le rabot sur les dépenses publiques pour tenter de contenir le déficit. Mais il est de plus en plus évident qu'il faudra accroître sérieusement certaines d'entre elles, même si la France a déjà l'une des dépenses publiques les plus élevées au monde.Si nous voulons vraiment avancer dans la transition énergétique, il faudra investir davantage. Si nous voulons préserver la paix en Europe, il faudra augmenter les dépenses militaires. Il faudra aussi plus d'argent pour la santé et pour l'école afin de les réorganiser en profondeur.La croissance plombée
Quand l'Anglais William Petty estima pour la première fois le PIB au XVIIe siècle, c'était pour évaluer la masse de richesses que le royaume pouvait taxer. Aujourd'hui encore, la croissance est un indicateur essentiel pour les finances publiques car elle fait monter les recettes fiscales.
Or cette croissance est désespérément molle. Son principal moteur, la productivité, tourne à l'envers depuis l'épidémie de Covid. Les derniers travaux de la Banque de France montrent que le rattrapage sera lent et partiel. La corne d'abondance budgétaire de la croissance semble bouchée alors qu'elle avait longtemps permis de contenir le déficit.